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dimanche 26 mai 2013

DIRE DIEU AUJOURD’HUI

DIRE  DIEU AUJOURD’HUI


Parler de Dieu est une des entreprises les plus ardues de la réflexion humaine. La notion de Dieu se dérobe en effet à toute démonstration philosophique et à toute élaboration intellectuelle. Ce que nous pouvons affirmer ou imaginer de la nature de Dieu si ce n’est pas tout à fait faux, n’est jamais tout à fait vrai non plus. Dieu ne se laisse ni saisir par aucune de nos démonstrations, ni définir par aucune de nos explications. Les anciens disaient que Dieu est «ineffable», celui à propos duquel on ne peut rien dire ni de certain ni d’absolu. Nos concepts ne sont pas aptes à exprimer la vérité sur Dieu, car Dieu est et reste insaisissable. Ce qu’est Dieu en lui-même nous échappe inexorablement. Il faut donc beaucoup d’humilité pour parler de Dieu. Et les religions qui se présentent comme les spécialistes de Dieu, pèchent souvent, de prétention et d’arrogance à ce sujet. Chacune d’elles est convaincue non seulement de posséder la vérité sur Dieu, mais aussi une emprise sur Dieu. Elles pensent pouvoir le manipuler au gré de leurs intentions et de leurs intérêts par le biais des formules et des rites sacrés. Chaque religion se croit en plus la bénéficiaire d’une relation unique et privilégié avec la divinité qui la met forcement en opposition et en confrontation avec les autres religions lesquelles affirment exactement la même chose. Le Dieu élaboré par les religions n’est alors souvent qu’un prétexte de pouvoir et une idole adorée par les uns, rejetée par les autres et donc cause de division, d’hostilité et de conflits parmi les croyants.
Il faudrait donc que les croyants soient assez avisés pour s’émanciper de l’emprise totalitaire des religions, pour entretenir surtout leur soif de Dieu et l’élan spirituel qui gît au cœur de leur  personne.

Puisque Dieu est une entité insaisissable, il y a autant d’idées sur Dieu qu’il y a de cultures, de religions et de personnes. L’histoire des religions nous enseigne que les humains ont perçu comme divines toutes les forces, les énergies et les choses qu’ils ont considérées comme essentielles à leur existence: les animaux, les arbres, les astres, les montagnes, les fleuves; des états  intérieurs comme l’amour  et la haine, la sagesse et l’espérance; des personnages marquants comme rois, empereurs, papes…   C’est seulement plus tard, avec la progression de la réflexion humaine et de l’évolution intellectuelle de l’humanité, que l’idée de Dieu s’est émancipée des phénomènes naturels et qu'on est parvenu à une conception plus abstraite et plus  spirituelle de la divinité, conception  que nous retrouvons en partie exprimée dans les doctrines des grandes religions contemporaines. Ainsi la Bible défend d’identifier Dieu avec n’importe quel objet «créé». Dieu est la réalité «absolue» et tout le reste est  «relatif». Désormais  donner  au« relatif» une importance ou une valeur «absolue» sera considéré  comme la plus grave gaffe, la plus grave erreur existentielle, ou, pour parler le langage biblique, le «péché» par excellence. Cette erreur existentielle risque de nous égarer dans le labyrinthe de l’illusion et de la fausseté et de nous faire rater la construction sereine et harmonieuse de notre personnalité.

Aujourd’hui on peut dire que chaque individu se bricole sa propre idée sur Dieu et qu’il y autant de Dieux qu’il y a d‘individus, car l’homme est ainsi fait qu’il ne peut pas évacuer totalement de sa vie la notion de Dieu. Dans un monde où l’homme a perdu  la place centrale et l’importance qu’il pensait avoir; dans un univers dont l’immensité toujours grandissante ne fait que ressortir et renforcer la petitesse, l’insignifiance de l’humain et, par conséquent, le caractère hasardeux, contingent, non-nécessaire, éphémère de son existence, l’idée de Dieu devient  la seule roche ou la seule planche de salut à laquelle les humains peuvent s’ancrer et s’arrimer pour donner du sens à leur existence. La parole «Dieu» peut alors être comprise comme ce à quoi l’homme s’attache de toutes ses forces et de tout son cœur pour vivre une vie humaine signifiante et  libérée de l’angoisse et  de la peur. Si dans l’état actuel de la recherche scientifique les humains n’ont plus besoin de recourir à l’hypothèse «Dieu» pour expliquer l’existence et le fonctionnement de l’univers matériel, ils ne peuvent toutefois se comprendre et s’accepter eux-mêmes sans la foi en cet «Absolu» qui les porte. Dans le silence, le vide et l’indifférence des espaces infinis où l’être humain se sent seul et perdu, l’homme a besoin de se sentir accueilli par une Présence qui le justifie, le rassure et le réconforte.

La question qui se pose est alors la suivante: en quel «absolu» devons-nous croire pour être vraiment des humains?  C’est en cela que consiste toute la question sur Dieu. Quelles images et quelles idées sont pour nous révélatrices de cet «Absolu»? Dans quelles images, dans quelles notions voyons-nous réalisé l’idéal de notre humanité?  Quels concepts et quelles images  sont porteurs des valeurs et des attitudes qui constituent le noyau le plus profond et le plus authentique de notre être et qui construisent en nous la personne humaine que nous sommes? En d’autres mots: où trouvons-nous ici bas le modèle d’une humanité qui a été capable de se bâtir jusqu'à sa perfection à cause de sa relation profonde avec cet «Absolu» auquel elle a abandonné sa vie dans un acte de confiance totale ? Quelle est l’image à laquelle nous devons nous confronter pour savoir quelles notes doivent nous faire vibrer pour que notre personne se développe dans l’équilibre et l’harmonie d’une vie finalement unifiée ? Pour nous, les chrétiens, la personne qui incarne le plus et le mieux l’image de l’homme pleinement  réalisé et transformé par la présence de l’Absolu de Dieu dans sa vie, est Jésus de Nazareth. En regardant agir Jésus, en écoutant ses paroles,  nous pouvons avoir une idée de ce que la foi en cet Absolu peut accomplir dans l‘existence d’une personne lorsqu’elle s’y abandonne totalement. En Jésus l’Absolu prend une forme et un visage. Il devient Énergie aimante, être personnel, proche, intérieur, esprit qui nous anime; il devient  père, mère, ami, prochain; il devient pardon, miséricorde, accueil, bienveillance, tolérance, grâce…amour.

Jésus est, pour ainsi dire, le chef-d’œuvre ou le tableau dans lequel nous pouvons admirer les qualités et avoir une idée de la nature de l’artiste divin qui l’a composé. Voilà pourquoi, pour les chrétiens, Jésus est considéré comme «l’image du Dieu invisible» et comme le premier homme totalement engendré de Dieu, ou, dirions-nous, totalement calqué sur Dieu, totalement construit selon l’esprit et les valeurs de Dieu (Col.1,15: Il est l’image du Dieu invisible et le premier-né  de toute  créature).

Si l’Absolu à crée un tel homme et si un tel homme nous révèle un tel Absolu, voilà que la divinité est apprivoisée à tout jamais et que l’homme est établi pour toujours dans la confiance qu’un tel Dieu, caractérisé par de tels attributs et un tel amour, ne pourra être pour lui que principe de perfectionnement, de sécurité, de paix et de bonheur  pour l’éternité.   

BM

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