Rechercher dans ce blog

lundi 20 mai 2013

Poursuivre la mission de Jésus


Le récit de l’Ascension du Seigneur    


Comme les évangélistes avaient composé et imaginé une entrée spectaculaire au Fils de Dieu lorsqu’il est apparu en ce monde (apparition d’anges, intervention divines pour féconder miraculeusement la mère; mère qui reste vierge en donnant naissance; chœurs angéliques qui chantent dans la nuit, phénomènes célestes d’étoiles qui se déplacent dans le firmament; personnages mystérieux et exotiques qui viennent de l’autre bout du monde  pour adorer le petit roi-Dieu…), il fallait lui trouver aussi une sortie tout aussi triomphale de ce monde. Et puisque les récits évangéliques avaient raconté une prolongation terrestre de la vie de Jésus après sa mort, il fallait maintenant imaginer pour Lui une façon de quitter cette existence terrestre, puisque, de toute évidence, lorsque les évangiles ont été écrits, Jésus était introuvable, et personne n’avait d’apparitions du Ressuscité. Le récit de l’ascension répond donc à la nécessité d’expliquer aux chrétiens de ce temps-là l’absence ou la disparition du Seigneur.

C’est donc un récit à caractère catéchétique qui utilise une forme ou un genre littéraire très fréquent dans la littérature ancienne : celui  de l’occultation, de la disparition, de l’ascension au ciel, de l’entrée dans le monde des dieux, d’un héros ou d’un grand personnage, dans le but d’exalter et de glorifier une vie et un destin particulièrement marquant pour les humains (Elie, Moise, Romulus, Héraclès, Empédocle, Alexandre le Grand, Apollon de Tiare..). En décrivant Jésus qui s’élève au ciel et qui disparaît dans la nuée, symbole biblique de la présence et de la gloire de Dieu, les évangélistes, par cette mise en scène, veulent enseigner aux chrétiens de leur temps que Jésus  est vraiment  le nouveau Elie enlevé par Dieu sur un char de feu, le nouveau Moise, le nouveau  prophète, le nouveau et le véritable envoyé de Dieu, que Dieu a rempli de son Esprit (comme Elie et comme Moise) et qu’il a assumé dans sa gloire au terme de sa mission. Ce grand  prophète, ce prophète par excellence, est maintenant vivant en Dieu et auprès de Dieu, comme Moise et Elie.

 Dans la pensée de l’évangéliste ce récit sert aussi à enseigner aux chrétiens de son temps qui attendaient la venue imminente (la parousie) du Seigneur, que ce n’est pas le cas, et qu’ils doivent  donc se retrousser les manches  pour  réaliser le Royaume. Il ne faut pas rester là à regarder  le ciel….
  
Et comme Élisée, disciple d’Élie continue la mission de son maître et comme Josué continue la mission de Moise, ainsi  les disciples devront continuer l’œuvre et la mission de Jésus aux quatre coins de la terre. Mais cette disparition de Jésus est pour les évangélistes un prétexte ou, plutôt, une bonne occasion pour interpeller les chrétiens et les rendre conscients de ce qui doit être désormais leur engagement et leur responsabilité à la suite du Maître. Jésus n’est plus là sur cette terre, il est au ciel, il est avec Dieu, mais vous vous êtes de cette terre,- nous dit l’évangéliste- vous restez ici bas; il vous a laissé ses paroles, son Esprit, vous êtres donc équipés pour le représenter, pour agir en son nom; c’est donc vous qui devez continuer sa présence, sa mission, son œuvre. C’est à travers vous qu’il s’incarne maintenant à nouveau ; qu’il continue à vivre parmi nous ; c’est à travers vous qu’il poursuit la tâche de transformer, renouveler, améliorer et humaniser  toujours davantage le monde. 

On pourrait se demander si les disciples ont été de bons représentants de Jésus; s’ils ont bien accompli le travail que le Maître leur avait confié; s’ils ont toujours été, au cours de l’histoire, des fidèles interprètes de son message; s’ils ont toujours gardé intact, sans l’altérer ou le pervertir, le message et  l’Esprit que Jésus leur a laissé ...

Il y a eu, bien sûr,  beaucoup de bavures au cours d l’histoire. L'image, la parole et l’esprit de Jésus n’ont  pas toujours brillé, ne se sont pas toujours répercutés dans les pensées, les  gestes et les actions de ceux qui devaient le représenter. Les valeurs et les enseignements du Maître de Nazareth n’ont pas toujours inspiré la politique ni des nos gouvernants chrétiens ni des autorité ecclésiastiques.Le mouvement spirituel issu de Jésus a eu beaucoup de peine à se frayer un chemin dans notre monde. La semence, le levain, le sel de la parole de Jésus n’ont pas toujours été très actifs ni très efficaces  dans le terrain ou la pâte de notre monde. Mais, malgré tout, il y eu insémination, il a eu fermentation, il y a eu changement, renouvellement, progrès. À cause du passage parmi nous de l’Homme de Nazareth, grâce à son message, à son Esprit, aux valeurs qu’il nous a laissés en héritage, notre monde a progressé; notre monde s’est amélioré, est devenu plus humain et il est maintenant certainement un monde plus juste, plus respectueux des valeurs et des droits de la personne, plus égalitaire, plus tolérant, plus fraternel, plus responsable, plus solidaire… que le monde au temps de Jésus. Son  message d’amour, de pardon, sa vision de l’être humain, perçu comme enfant de Dieu et donc comme frère, a grandement contribué  à assainir, à guérir notre société des maux ancestraux qui l’affligeaient : pensons à esclavage, à  exploitation des faibles et des petits; à  la discrimination de la femme; aux différentes formes de despotisme, d'impérialisme, d'absolutisme, de tribalisme, de  patriarcalisme et de machisme qui, certes, affligent encore  et toujours nos sociétés modernes, mais qui, au moins, sont maintenant perçus, par la conscience collective, comme des attitudes néfastes.  

Et s’il y a aujourd’hui, dans notre société laïque et séculière, des gens qui critiquent et qui, souvent, dénigrent le christianisme, ils devraient le faire avec beaucoup de circonspection et de nuances; car, s’il sont cultivés et informés, ils devraient avoir la sagesse et l’honnêteté de reconnaître qu’ils sont  les premiers bénéficiaires, dans leur vie de chaque jour, de l’apport extraordinaire du message de Jésus à  notre monde occidental.

Mais il y autre chose que cet évangile de l’ascension devrait susciter en nous. C’est un récit qui oriente notre attention sur le monde de la transcendance; il nous invite à regarder en haut, à nous dépasser, à regarder plus loin que notre nombril, que notre nez, que nos besoins corporels, que nos aspirations parfois terriblement ridicules et insignifiantes (comme cette ukrainienne qui a subi des nombreuses chirurgies pour ressembler à Barbie). Ce conte cherche à nous apprendre que la vie doit avoir de la hauteur; que la vie est plus que manger, boire, avoir de l’argent, avoir du fun; que nous sommes destinés à plus haut que nous-mêmes; que nous sommes récepteur et réceptacle de l’esprit (de Dieu) et que la mesure de notre humanité et de notre perfection, en tant qu’êtres humains, est donnée  par notre ouverture et notre sensibilité aux appels de cet esprit et par  notre capacité à vibrer en syntonie avec les harmoniques de sa divine présence dans notre existence. 

MB

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire