On dirait que l’évangéliste Luc a saisi l’occasion de la festivité juive de la pentecôte pour en faire le point de départ d’une réflexion sur une nouvelle compréhension de la présence de Dieu dans notre monde. Dieu
ne doit plus être conçu comme un être là
haut, au ciel, au-dessus et au-delà,
comme extérieur à notre monde. La
présence de Dieu est désormais caractérisée
par l’intériorité ; elle se passe, elle se réalise à l’intérieur. Dieu est
ce qui est à l’intérieur. Dieu est présent de l’intérieur. Il est le
fond, la profondeur des êtres. Il est ce
par quoi les choses sont ce qu’elles sont et pas autre chose. Cette présence
de Dieu est énergie, force, pulsion, élan qui est jaillissement d’être et source d’amour et de vie dans l’univers. Cette présence de Dieu est particulièrement palpable dans l’être humain où elle se manifeste comme conscience,
intelligence et capacité d’amour. Cette présence de Dieu dans la création est caractérisée dans
la Bible , comme
le « rouâh» c'est-à-dire comme «souffle»
ou «esprit» de Dieu, dans nos langues modernes. Dans le livre de la Genèse , le Souffle de Dieu est à l’origine de la création. Il plane sur les eaux
primordiales comme pour les
féconder. Il est là comme principe et
force de vie qui donne naissance à tout ce qui existe. Toujours dans le récit mythique de la Genèse , c’est son souffle que Dieu injecte dans l’homme, tiré de la glaise, pour en faire non seulement une être vivant,
mais un être humain, c’est-à dire une créature dans laquelle la
ressemblance avec Dieu est particulièrement manifeste. C’est surtout dans l’humain que Dieu a «versé» le souffle de son esprit ; c’est donc dans l’être humain que Dieu , dès le début, s’est particulièrement manifesté et incarné.
L’évangéliste Luc après nous avoir raconté, avec profusion
de détails, l’incarnation de l’Esprit Dieu
dans la personne de Jésus de Nazareth, dans le récit de la Pentecôte il veut nous présenter l’incarnation de l’esprit de Dieu dans la communauté de ses disciples. Il veut par là nous faire comprendre
que comme il y eu un première venue du
Seigneur, nous assistons maintenant à la réalisation de sa deuxième venue. Cette deuxième
venue
ne doit pas être attendue pour la fin des temps, nous dit ici Luc, mais c’est
maintenant que cela se passe. C’est
maintenant que Jésus vient encore
et toujours. L’esprit de Dieu qui a
été à l’oeuvre de façon unique et exemplaire en Jésus et que Jésus
nous a transmis, ce même
esprit est maintenant celui qui continue en nous et à travers nous son œuvre; c’est par son esprit en nous que Jésus prolonge dans le temps son incarnation et sa venue.
Cet esprit de Dieu continue l’œuvre de la
création, mais cette fois-ci pour donner vie à une création nouvelle, à un
monde nouveau et à un homme nouveau; non
plus tiré de la boue comme l’homme de
l’ancien testament lors de la création, mais tiré des
entrailles de la compassion, de la lumière et de l’amour de Dieu, tels qu’ils se sont manifestés et accomplis dans la personne du Seigneur Jésus.
Ce monde nouveau est façonné par ce peuple de croyants (les chrétiens) appelés à vivre
désormais à l’enseigne de l’amour qui a été versé dans leurs cœurs par l’Esprit
de Dieu reçu de Jésus et à
reconstituer l’unité, la fraternité et l’harmonie des humains dans un monde déchiré
et divisé comme à Babel par les ravages de l’égoïsme, de l’ambition , la soif
de puissance et la hantise du pouvoir.
La fête de la Pentecôte cherche donc à attirer notre attention sur la communauté chrétienne comme assemblée de gens appelés à incarner l’esprit ; comme lieu aussi de la présence de l’action et donc de la venue permanente du Seigneur dans notre
monde et dans notre vie; venue que les évangiles qualifient comme sa «deuxième» venue dans l’esprit.
Cette fête cherche aussi à nous faire réfléchir
sur cette énergie divine qui est au fond de tout être, dans laquelle l’univers tout entier baigne comme dans une
source qui est à l'origine de toute vie, de tout être, de toute intelligence et
de tout amour. Énergie de présence divine qui se manifeste d’une façon unique et singulière dans les humains que
nous sommes. Si tous les humains sont les
porteurs de l’esprit qui vient de Dieu et
si cet esprit est donné à tous, voilà qu’il n’est plus une exclusivité
d’une religion, d’un peuple ou d’une
croyance. La Pentecôte
est alors la fête de l’universalisme, de
l’esprit et de l’unité des peuples. Cette fête nous pousse à abandonne nos tribalismes,
nos dogmatismes, nos préjugés raciaux et
sectaires, nos intolérances et à ouvrir notre esprit et notre cœur à l’acceptation des
diversités et des différences, convaincus que partout où les hommes vivent une authentique humanité, là aussi est à l’œuvre Dieu et son esprit.
MB
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire