Voulez-vous partir vous aussi ?
«Seigneur, vers qui pourrions-nous aller ? Tu as les paroles de la
vie !
(Jn. 6, 66-70)
Que
de fois cette interrogation que Jésus adressait à ceux et celles qui l’entouraient
m’a mis en crise. Que de fois en tant que chrétien, en tant que croyant, en
tant que catholique, j’ai été tenté de répondre oui à cette
question de Jésus… tenté de tout lâcher, de tout abandonner, de claquer la
porte sur une Institution qui n’a cessé de me décevoir. Au cours des siècles
elle n’a pas toujours été un témoin exemplaire de fidélité à son
Fondateur ; elle a défiguré et corrompu son message. Ses clercs se sont
transformés en fonctionnaires qui ont mis la recherche du pouvoir, de l’argent,
des honneurs et du prestige au-dessus de l’annonce de l’évangile et du
bien spirituel et humain de leurs fidèles.
Dans
l’Église, j’assiste encore aujourd’hui à un autoritarisme qui écarte, qui
exclue, qui condamne, qui punit toute dissension, toute divergence d’opinion,
toute nouvelle interprétation de la doctrine traditionnelle. Dans cette Église,
je vois une hiérarchie figée et bloquée par la hantise de la fidélité à une
tradition qui est souvent dépassée et, aujourd’hui, souvent inacceptable. Une autorité
incapable de comprendre les problèmes existentiels des gens et d’accueillir les
défis de la modernité. Un magistère à qui manque le courage de faire du
nouveau, d’inventer de nouveaux rites, de nouveaux gestes signifiants pour l'homme
moderne; qui n'accepte pas de s’exprimer dans un langage nouveau,
compréhensible à tous; qui hésite à s’ouvrir à de nouvelles façons de
comprendre et de transmettre le message de Jésus… Je vois une hiérarchie
cafardeuse, amère, aigrie, peureuse, pessimiste, qui n’ose pas prendre de risques, qui ne fait pas confiance à l’Esprit et au bon sens des fidèles; qui
ne veut rien changer de ses lois vétustes, dépassées, même lorsque celles-ci
sont carrément nuisibles au développement d’une authentique vie chrétienne, car souvent elles handicapent l’existence des communautés, en les empêchant de vivre
la pratique de la foi d’une façon pleine, riche et épanouissante…
Mais où aller? J’appartiens à cette Église.
Cette Église est ma patrie, ma maison, ma mère! C'est à son sein que je me suis
nourri. C’est dans ses bras que j’ai été élevé. C’est dans sa cour que j’ai
grandi. C’est à son enseignement que j’ai été éduqué. C’est elle qui m’a formé;
qui m’a donné mon identité chrétienne; qui a esquissé ma physionomie humaine;
qui a bâti ma configuration spirituelle. C’est elle qui m’a tout donné. C’est à
cause d’elle que je suis devenu ce que je suis…
Devant
ma désaffection pour les défauts de l’institution ecclésiale; devant l’allergie
que je ressens parfois envers sa façon traditionnelle, obsolète et anachronique
de transmettre les contenus de la foi; devant la tentation d'abandonner ma
communauté de foi parce que ses dirigeants m’ont déçu et qu’ils continuaient de
me mettre en boule… Combien de fois j'ai regardé autour de moi pour analyser
quelles autres alternatives se présentaient à moi; pour voir où je pourrais
aller pour trouver un lieu d'accueil, une communauté d’appartenance spirituelle
meilleure et plus satisfaisante; une religion plus conforme à mes attentes?
Chez les luthériens? Chez les épiscopaliens? Chez les adventistes? Chez les bouddhistes,
les musulmans, les témoins de Jéhovah, l'église de scientologie, Krishna?
Non,
merci! Non seulement ces religions m'inquiètent, mais les défauts, les erreurs
et les aberrations que je découvre en elles sont encore pires que ceux que je
constate dans le catholicisme. Le Jésus de l'Évangile me satisfait, me plaît,
me fascine infiniment plus que tous les Bouddha, Mahomet, Krishna, Jéhovah ou
l'enseignement de n’importe quel gourou illuminé.
C'est
pourquoi j'ai décidé de rester avec Jésus de Nazareth, avec sa doctrine, avec
la communauté de foi qui se rattache à lui, qui se nourrit de son esprit. Parmi
tous les grands hommes que notre histoire humaine a suscités, c’est encore lui
qui a ma préférence. Il est mon point de référence privilégié. C’est pourquoi
j’ai décidé de rester dans mon Église, avec mon Église…. Malgré tout! Malgré
ses fautes, ses faiblesses, ses erreurs, ses gaffes, ses scandales, ses
incongruités… Car c’est elle le seul lieu où je peux encore entendre parler de
lui et le rencontrer. C’est elle qui garde toujours le coffre précieux qui
contient les trésors de son Maître et de son Seigneur. Oui, certes, il a
beaucoup de saleté à balayer et un gros ménage à faire dans mon Église. Mais,
en réfléchissant bien, je me suis dit qu’un rosier peut-être plus de chances
de pousser et de fleurir entourée de fumier que de pierres précieuses… Je me
suis dit que j’ai peut-être tort d'être trop exigent envers mon église… Car,
finalement, Jésus aussi était entouré d’ordures et d’un tas de pécheurs…
C’est
là que j’ai découvert que Pierre avait raison! Oh, et combien! Seigneur, à qui
irions-nous, toi seul as les paroles qui font pour nous, que nous aimons, qui
nous satisfont, qui nous conviennent, qui répondent à nos besoins les plus profonds,
car elles contiennent la sagesse de Dieu, car elles possèdent le secret de
notre liberté, de notre grandeur, de la réussite de notre vie et du salut de notre monde... Oui, Tu as les paroles qui nous permettent de vivre pleinement et
durablement, paroles de vie éternelle ...! A qui irions-nous pour être guidé,
orienté, pour apprendre qui nous sommes; pour savoir d'où nous venons et où
nous allons? Qui mieux que toi peut nous dire ce qui est vraiment bon pour
nous; quelle est notre véritable nourriture; quelles sont les valeurs qui nous
enrichissent, qui nous font grandir et qui font le succès de notre existence?
Vers qui pourrions-nous aller pour trouver la vérité sur nous, sur Dieu, sur
les autres, sur le monde? Vers qui irions-nous en toute confiance, sûrs de
n’être jamais trompés, dupés, manipulés, exploités, déçus? Vers qui
irions-nous, Seigneur, si nous te quittions toi et la communauté de tes
disciples? Qui sera alors notre lumière, notre appui, notre confort, notre
force, notre espérance? Entre les mains de qui pouvons-nous abandonner, en
toute confiance et en toute sécurité, notre cœur? Qu’est-ce qui nous reste de
vrai, de solide de bon, de valable, si nous te perdons?
Ce
qui nous reste sans toi, séparé de toi, est finalement ce qui nous détruit et
nous perd. Si les hommes et les femmes ne trouvent pas en toi et dans le Dieu
que tu leurs révèles le sens de leur vie et le secret de leur véritable
bonheur, où iront-ils le chercher? Ils chercheront leur bonheur dans l'argent,
le sexe, la drogue, l'alcool, le pouvoir, le succès économique ou politique.
Ils t’abandonnent, ils te quittent toi et ton Dieu …mais à combien d’autres
dieux s’approcheront-ils dans leur vie? Dans le culte de ces idoles, ils
pensent trouver leur bonheur et leur accomplissement; en réalité, ils n’y
trouvent que vide et déception.
Oui, Pierre a raison de dire «Seigneur,
vers qui pourrions-nous aller? Tu as paroles de la vie éternelle!»
BM
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