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mercredi 12 août 2015

LE SENS DU SIGNE DE LA «MULTIPLICATION DU PAIN » DANS LES ÉVANGILES


«Donnez leur vous-même à manger» 
(Mt.14,16)

            L’évangile de dimanche passé nous avait mis en contact avec l’attitude très humaine de Jésus qui se rend compte de la fatigue et du stress de ses amis et qui les invite à s’arrêter et à se reposer pour refaire leurs forces. L’évangile d’aujourd’hui nous présente un autre aspect touchant de la personnalité du Maître. Les gens qui le suivent et qui l’entourent (une foule de 5000 hommes, sans compter les femmes et les enfants - Mt. 14.21) non seulement sont fatigués et épuisés comme ceux de dimanche passé, mais en plus ils ont faim et manquent de nourriture. Que faire devant la détresse de ces gens ? Jésus aurait pu adopter l’attitude fataliste et un peu cynique de ses disciples. L’attitude de ceux qui s’en lavent les mains. Qu’ils se débrouillent ! Ils auraient dû être plus prévoyants ! Ils peuvent toujours marcher et aller acheter leur lunch au casse-croûte ou à l’épicerie du village voisin. Nous, on n’y est pour rien ! Que pourrions-nous faire pour nourrir autant de monde ! ».
C’est l’attitude de ceux qui se résignent à accepter la misère comme quelque chose d’inévitable. C’est si souvent notre attitude. Que pouvons-nous faire s’il y a dans le monde 795 millions de personnes, soit une sur neuf, qui en ce moment souffrent de la faim ou de la malnutrition! Cinq cent mille femmes africaines meurent chaque année pendant l'accouchement, car leur corps affaibli par le manque de nourriture ne résiste pas à la moindre infection. Vingt quatre mille personnes meurent de faim chaque jour dans le monde, soit une toutes les quatre secondes; un enfant  meurt de faim et de malnutrition toutes les cinq secondes! C’est malheureux, mais devant cette tragédie nous sommes dépourvus! Tout cela ce n’est pas notre affaire! Nous ne pouvons rien faire, même si nous le voulions ! Nos moyens ! Tu parles, c’est de la rigolade, comparé aux besoins ! Que voulez-vous que l’on fasse avec notre petit budget, avec nos maigres ressources, avec deux petit poissons et cinq galettes, quand on a devant soi presque un milliard de personnes à nourrir ! …

Et pourtant Jésus semble faire la sourde oreille aux raisons de notre bon sens… et malgré l’énormité et presque l’impossibilité de la tâche, Jésus nous gifle en plein visage avec un ordre qui nous paraît absurde: « Donnez-leur vous-même à manger !... ». Il veut par là nous faire comprendre que devant l’urgence, personne n’a le droit de baisser les bras ou de décharger sa responsabilité sur les autres (les gouvernements, l’aide internationale, Fao, Oxfam, Unicef, Unesco, Développement et Paix…). Il veut nous faire comprendre que la vie, la santé, le bien-être des personnes ne peuvent pas attendre, n’admettent jamais de délais et que devant des être qui meurent de faim toutes nos tergiversations et hésitations deviennent criminelles. Il nous en donne lui-même l’exemple. Devant l’urgence et le besoin, Jésus ne perd pas son temps en discours, en analyses, en tables-rondes, en comités et en réunions d’experts qui ont pour tâche de préparer une étude exhaustive du problème afin de réfléchir sur l’opportunité d’entamer des démarches en vue d’envisager un projet de solution du problème …  Il agit tout de suite… il prend ce qu’il a sous la main… ce n’est pas grand-chose, c’est presque rien … c’est seulement deux petits poissons et cinq galettes… mas il fait quelque chose avec…  il les donne … et il nous dit par là: « Si chacun de vous faisait comme moi, si tout le monde faisait comme moi, tout le monde mangerait à sa faim et il en resterait  même douze corbeilles!».

            Ce récit de Jésus qui nourrit une foule affamée peut être interprété de bien des façons ; il peut nous transmettre bien des messages. Personnellement, je pense qu’il contient surtout un enseignement de profonde humanité.

            Une personne pour garder sa dignité a besoin d’une certaine sécurité économique et de pouvoir satisfaire ses besoins fondamentaux. L’individu perd de son humanité et il dérive vers la déchéance lorsqu’il est plongé dans une pauvreté trop grande, une pauvreté qui devient misère, détresse, manque de choses essentielles  (incapacité et impossibilité de pourvoir aux nécessités de base de l’existence : accès à une nourriture suffisante, à l’eau potable, à un abri convenable, aux médicaments nécessaires, soins médicaux indispensables, etc.). Le manque de choses essentielles conduit l’homme à perdre la conscience de sa décence, de sa respectabilité, de sa dignité, de sa valeur … Le manque, lorsqu’il est extrême , pousse l’individu à penser qu’il n’est rien, qu’il ne vaut rien, puisqu’il n’a rien. En d’autres mots, la pauvreté lorsqu’elle devient indigence excessive et misère, ouvre la porte à la déchéance physique et psychologique de la personne. La faim lorsqu’elle est chronique, constante, permanente n’attaque pas seulement la santé et la vie du corps, mais elle étrangle et éteint surtout la vie de l’esprit en l’homme. Le manque de pain atrophie ce que l’homme a de plus précieux: la vitalité de son âme.

            Jésus avait compris que la personne pour garder sa fierté et l’estime de soi a besoin d’une certaine qualité de vie et d’un minimum de bien-être matériel, car, sans cela, elle risque non seulement de perdre sa santé et sa vie, mais surtout de perdre son humanité.

             Jésus avait compris que le chemin qui pouvait amener l’homme à prendre conscience de sa grandeur, de sa beauté et du merveilleux destin qui l’attendait comme enfant de Dieu, passait par la satisfaction de ses besoins de base.

            Jésus avait compris que sur cette terre l’homme n’est pas différent de n’importe quelle fleur ou plante : la vie, la croissance et l’épanouissement de celles-ci dépendent de la nourriture que leurs racines réussissent à absorber et donc de la fertilité du sol dans lequel elles sont enracinées. Et qu’il est insensé de s’attendre à ce que le rosier soit éblouissant de fleurs ou que le pommier soit débordant de fruits, si l’agriculteur ne les a pas nourris. Jésus avait compris qu’une grande partie du bonheur de l’homme dépend de la satisfaction de son ventre et de ce qu’il a dans son garde-manger ou dans son frigidaire.

            Jésus avait compris qu’il est inutile, qu’il est ridicule, qu’il est stupide, qu’il est  blasphématoire de parler de Dieu à quelqu’un qui a le ventre vide ou qui se meurt de faim; que pour les humains que nous sommes, la sécurité du pain quotidien est plus importante que la foi en Dieu; et l’amour du pain plus important que l’amour de Dieu.

            Jésus avait compris que l’homme est réfractaire aux valeurs de l’esprit et imperméable à tout discours sur Dieu, tant et aussi longtemps que toutes ses énergies sont accaparées par l’urgence de la survie physique et par la nécessité de trouver quelque chose à se mettre dans le ventre, et tant qu’il n’a pas acquis une certaine sérénité intérieure, qui lui vienne du fait qu’il vit comme un être humain et non pas comme une bête affamée.

            Voilà pourquoi Jésus, qui s’est donné comme mission de faire découvrir aux hommes l’amour d’un Dieu qui est Père et de les inviter à s’approcher avec plus de confiance a Lui, a été d’abord préoccupé par le pain. Il sait que les hommes n’auront jamais faim de Dieu, tant qu’ils seront angoissés par la recherche du pain. Il sait que les hommes ne pourront jamais s’approcher de Dieu, s’ils pensent que Dieu s’est éloigné d’eux et qu’il les a abandonnés, puisqu’il leur refuse le pain de chaque jour. Voilà pourquoi dans la prière qu’il a enseignée à ses disciples (le «Notre Père»), il les invite à supplier Dieu que cela ne se produise jamais. Il les exhorte à implorer Dieu afin qu’à tous soit assuré le pain quotidien; parce que seulement ainsi ils pourront vivre en vrais enfants de Dieu et le considérer comme un véritable Père.  

MB

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