«Donnez
leur vous-même à manger»
(Mt.14,16)
L’évangile de dimanche passé nous
avait mis en contact avec l’attitude très humaine de Jésus qui se rend compte
de la fatigue et du stress de ses amis et qui les invite à s’arrêter et à se
reposer pour refaire leurs forces. L’évangile d’aujourd’hui nous présente un
autre aspect touchant de la personnalité du Maître. Les gens qui le suivent et
qui l’entourent (une foule de 5000 hommes, sans compter les femmes et les
enfants - Mt. 14.21) non seulement sont fatigués et épuisés comme ceux de
dimanche passé, mais en plus ils ont faim et manquent de nourriture. Que faire
devant la détresse de ces gens ? Jésus aurait pu adopter l’attitude fataliste
et un peu cynique de ses disciples. L’attitude de ceux qui s’en lavent les
mains. Qu’ils se débrouillent ! Ils auraient dû être plus prévoyants ! Ils
peuvent toujours marcher et aller acheter leur lunch au casse-croûte ou à
l’épicerie du village voisin. Nous, on n’y est pour rien ! Que pourrions-nous
faire pour nourrir autant de monde ! ».
C’est l’attitude de ceux qui se résignent à accepter la misère comme quelque chose d’inévitable. C’est si souvent notre attitude. Que pouvons-nous faire s’il y a dans le monde 795 millions de personnes, soit une sur neuf, qui en ce moment souffrent de la faim ou de la malnutrition! Cinq cent mille femmes africaines meurent chaque année pendant l'accouchement, car leur corps affaibli par le manque de nourriture ne résiste pas à la moindre infection. Vingt quatre mille personnes meurent de faim chaque jour dans le monde, soit une toutes les quatre secondes; un enfant meurt de faim et de malnutrition toutes les cinq secondes! C’est malheureux, mais devant cette tragédie nous sommes dépourvus! Tout cela ce n’est pas notre affaire! Nous ne pouvons rien faire, même si nous le voulions ! Nos moyens ! Tu parles, c’est de la rigolade, comparé aux besoins ! Que voulez-vous que l’on fasse avec notre petit budget, avec nos maigres ressources, avec deux petit poissons et cinq galettes, quand on a devant soi presque un milliard de personnes à nourrir ! …
C’est l’attitude de ceux qui se résignent à accepter la misère comme quelque chose d’inévitable. C’est si souvent notre attitude. Que pouvons-nous faire s’il y a dans le monde 795 millions de personnes, soit une sur neuf, qui en ce moment souffrent de la faim ou de la malnutrition! Cinq cent mille femmes africaines meurent chaque année pendant l'accouchement, car leur corps affaibli par le manque de nourriture ne résiste pas à la moindre infection. Vingt quatre mille personnes meurent de faim chaque jour dans le monde, soit une toutes les quatre secondes; un enfant meurt de faim et de malnutrition toutes les cinq secondes! C’est malheureux, mais devant cette tragédie nous sommes dépourvus! Tout cela ce n’est pas notre affaire! Nous ne pouvons rien faire, même si nous le voulions ! Nos moyens ! Tu parles, c’est de la rigolade, comparé aux besoins ! Que voulez-vous que l’on fasse avec notre petit budget, avec nos maigres ressources, avec deux petit poissons et cinq galettes, quand on a devant soi presque un milliard de personnes à nourrir ! …
Et pourtant Jésus
semble faire la sourde oreille aux raisons de notre bon sens… et malgré l’énormité
et presque l’impossibilité de la tâche, Jésus nous gifle en plein visage avec
un ordre qui nous paraît absurde: « Donnez-leur vous-même à
manger !... ». Il veut par là nous faire comprendre que devant l’urgence, personne
n’a le droit de baisser les bras ou de décharger sa responsabilité sur les
autres (les gouvernements, l’aide internationale, Fao, Oxfam, Unicef, Unesco,
Développement et Paix…). Il veut nous faire comprendre que la vie, la santé, le
bien-être des personnes ne peuvent pas attendre, n’admettent jamais de délais
et que devant des être qui meurent de faim toutes nos tergiversations et
hésitations deviennent criminelles. Il nous en donne lui-même l’exemple. Devant
l’urgence et le besoin, Jésus ne perd pas son temps en discours, en analyses,
en tables-rondes, en comités et en réunions d’experts qui ont pour tâche de
préparer une étude exhaustive du problème afin de réfléchir sur l’opportunité
d’entamer des démarches en vue d’envisager un projet de solution du problème … Il agit tout de suite… il prend ce qu’il a sous
la main… ce n’est pas grand-chose, c’est presque rien … c’est seulement deux
petits poissons et cinq galettes… mas il fait quelque chose avec… il les donne … et il nous dit par là: « Si
chacun de vous faisait comme moi, si tout le monde faisait comme moi, tout le
monde mangerait à sa faim et il en resterait même douze corbeilles!».
Ce récit de Jésus qui nourrit une
foule affamée peut être interprété de bien des façons ; il peut nous
transmettre bien des messages. Personnellement, je pense qu’il contient surtout
un enseignement de profonde humanité.
Une personne pour garder sa dignité
a besoin d’une certaine sécurité
économique et de pouvoir satisfaire ses besoins fondamentaux. L’individu perd de
son humanité et il dérive vers la déchéance lorsqu’il est plongé dans une
pauvreté trop grande, une pauvreté qui devient misère, détresse, manque de
choses essentielles (incapacité et impossibilité
de pourvoir aux nécessités de base de l’existence : accès à une nourriture
suffisante, à l’eau potable, à un abri convenable, aux médicaments nécessaires,
soins médicaux indispensables, etc.). Le manque de choses essentielles conduit l’homme
à perdre la conscience de sa décence, de sa respectabilité, de sa dignité, de
sa valeur … Le manque, lorsqu’il est extrême , pousse l’individu à penser qu’il
n’est rien, qu’il ne vaut rien, puisqu’il n’a rien. En d’autres mots, la
pauvreté lorsqu’elle devient indigence excessive et misère, ouvre la porte à la
déchéance physique et psychologique de la personne. La faim lorsqu’elle est chronique,
constante, permanente n’attaque pas seulement la santé et la vie du corps, mais
elle étrangle et éteint surtout la vie de l’esprit en l’homme. Le manque de
pain atrophie ce que l’homme a de plus précieux: la vitalité de son âme.
Jésus avait compris que la personne pour
garder sa fierté et l’estime de soi a besoin d’une certaine qualité de vie et d’un
minimum de bien-être matériel, car, sans cela, elle risque non seulement de
perdre sa santé et sa vie, mais surtout de perdre son humanité.
Jésus avait compris que le chemin qui pouvait
amener l’homme à prendre conscience de sa grandeur, de sa beauté et du
merveilleux destin qui l’attendait comme enfant de Dieu, passait par la
satisfaction de ses besoins de base.
Jésus avait compris que sur cette
terre l’homme n’est pas différent de n’importe quelle fleur ou plante : la
vie, la croissance et l’épanouissement de celles-ci dépendent de la nourriture
que leurs racines réussissent à absorber et donc de la fertilité du sol dans
lequel elles sont enracinées. Et qu’il est insensé de s’attendre à ce que le
rosier soit éblouissant de fleurs ou que le pommier soit débordant de fruits,
si l’agriculteur ne les a pas nourris. Jésus avait compris qu’une grande partie
du bonheur de l’homme dépend de la satisfaction de son ventre et de ce qu’il a
dans son garde-manger ou dans son frigidaire.
Jésus avait compris qu’il est
inutile, qu’il est ridicule, qu’il est stupide, qu’il est blasphématoire de parler de Dieu à quelqu’un
qui a le ventre vide ou qui se meurt de faim; que pour les humains que nous
sommes, la sécurité du pain quotidien est plus importante que la foi en Dieu;
et l’amour du pain plus important que l’amour de Dieu.
Jésus avait compris que l’homme est
réfractaire aux valeurs de l’esprit et imperméable à tout discours sur Dieu,
tant et aussi longtemps que toutes ses énergies sont accaparées par l’urgence de
la survie physique et par la nécessité de trouver quelque chose à se mettre
dans le ventre, et tant qu’il n’a pas acquis une certaine sérénité intérieure,
qui lui vienne du fait qu’il vit comme un être humain et non pas comme une bête
affamée.
Voilà pourquoi Jésus, qui s’est donné comme mission de
faire découvrir aux hommes l’amour d’un Dieu qui est Père et de les inviter à
s’approcher avec plus de confiance a Lui, a été d’abord préoccupé par le pain.
Il sait que les hommes n’auront jamais faim de Dieu, tant qu’ils seront
angoissés par la recherche du pain. Il sait que les hommes ne pourront jamais
s’approcher de Dieu, s’ils pensent que Dieu s’est éloigné d’eux et qu’il les a
abandonnés, puisqu’il leur refuse le pain de chaque jour. Voilà pourquoi dans
la prière qu’il a enseignée à ses disciples (le «Notre Père»), il les invite à
supplier Dieu que cela ne se produise jamais. Il les exhorte à implorer Dieu
afin qu’à tous soit assuré le pain quotidien; parce que seulement ainsi ils
pourront vivre en vrais enfants de Dieu et le considérer comme un véritable Père.
MB
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