(Jean 6, 51-58)
C’est par le geste de la manducation ou de la communion
au pain que les chrétiens ont, depuis les débuts, exprimé et manifesté symboliquement
leur volonté de se nourrir de tout ce qui sort de la personne du Seigneur ou
qui se rapporte à Lui. C’est ce que l’évangéliste Jean veut enseigner lorsqu’il
dit de Jésus que nous devons manger sa «chair» et boire son «sang». Le mot
«chair» que Jean utilise et qu’il met sur la bouche de Jésus, a perdu pour nous
aujourd’hui la résonance qu’il avait pour les juifs de son temps, habitués au
langage et à la symbolique de la
Bible hébraïque. Une certaine théologie chrétienne a compris
et interprété ce mot d’une façon littérale, matérialiste et donc absurde, comme
si nous devions manger, en cannibales, la chair «organique-biologique» du
Seigneur.
Mais quand l’évangéliste utilisait le mot «chair», dans son esprit cette parole avait
le sens que sa culture juive lui donnait. Or, dans la Bible hébraïque, le mot «bah-sahr», traduit en grec par le terme «sarx» (=chair), indique tout être terrestre,
considéré comme une créature fragile, limitée, mortelle, (de l’animal,
poissons, oiseaux, à l’humain), mais dans lequel il y a le souffle de la vie. Appliqué
à l’humain, ce mot indique l’homme en tant que créature matérielle issue de la
terre, résultat, dirions-nous aujourd’hui, de l’évolution cosmique et de l’évolution
biologique des espèces, mais intérieurement embrasé par le feu de Dieu et
allumé par le souffle de son esprit, qui fait de lui le prototype le plus
accompli de toute sa création.
Cet esprit divin qui anime l’homme de chair et qui fait
de lui la créature intelligente, spirituelle et sublime qu’il est, était représenté,
symbolisé dans la Bible
ancienne par le «sang». Le sang qui coule partout, qui envahit de partout et de
l’intérieur le corps humain (la «chair»), était, pour les auteurs bibliques, la
meilleur image qu’ils avaient pu trouver, pour exprimer de quelle façon intime,
profonde et radicale l’homme est pénétré, travaillé et vivifié par l’esprit ou
la présence de Dieu qui constitue la substance ou le fond le plus intime de
son être.
Dans l’Ancien Testament le mot «chair» n‘a donc pas du
tout le sens péjoratif que, sous l’influence de l’hellénisme tardif, il
acquiert dans les lettres de Paul et ensuite dans la littérature chrétienne où
ce mot est souvent utilisé comme synonyme de péché, de passions perverses,
d’instincts lascifs, de tendances désordonnées, de plaisirs libidineux qui
conduisent l’homme vers la transgression de la Loi divine et donc vers sa perte.
Quand, dans le texte de l’évangile d’aujourd’hui son
auteur fait dire à Jésus qu’il faut manger
sa chair et boire son sang, par cette expression il veut faire comprendre
aux chrétiens de son temps qu’en s’approchant de cette créature en chair en en
os, en fréquentant cet homme marqué par la finitude et la faiblesse humaine,
mais qui est cependant un champion d’humanité, ils touchent au divin, ils
s’approchent au produit le plus accompli sur terre. En croyant en lui et en
s’attachant à lui par l’amour et la confiance, ils introduisent dans leur existence
concrète une personne en qui la présence de Dieu agit et se manifeste avec une
force, une énergie, une immédiateté et une proximité uniques, et que, par conséquent,
ils ne peuvent qu’en être positivement affectés. Cet homme est, en effet, tout imbibé
de l’Esprit de Dieu, qui est pour ainsi dire comme le sang qui le fait vivre et
agir. Car Jésus a été capable de s’ouvrir totalement à l’action de l’Esprit, de
sorte que Dieu l’a, pour ainsi dire, modelé à son image, au point de faire de
lui l’homme pleinement transparent à Dieu; celui qui a le mieux incarné dans
notre monde la présence de cette ineffable Énergie d’Amour qui est Dieu; le
prototype de l’homme totalement transformé et transfiguré par le dynamisme de l’Esprit
de Dieu.
Lorsqu’on est épuisé et assoiffé et que l’on est proche
d’une source, on ne peut que boire; lorsqu’on a froid et que l’on est proche du
feu, on ne peut que se réchauffer; lorsqu’on est égaré et perdu dans
l’obscurité et que l’on perçoit un chemin, une trace, une lumière, on ne peut
que les suivre; lorsqu’on rencontre un être humain de la trempe de Jésus, rempli
de Dieu et modelé par son Esprit, on ne peut que s’attacher à lui, s’asseoir à
sa table et manger et boire de l’abondance de sa richesse... C’est cela que l’évangéliste
Jean veut nous faire comprendre à travers ces expressions archaïques et pour nous
aujourd’hui très surprenantes et très difficiles à comprendre qu’il met sur les
lèvres de Jésus: «Ma chair est vraie nourriture et mon sang est la vraie
boisson…celui qui me mangera vivra par moi ... Le pain que je donnerai, c'est ma chair, donnée pour que le monde ait
la vie….celui qui mange de ce pain
vivra éternellement ».
Voulez-vous avoir une forme de vie valable, significative,
solide et durable? Voulez-vous vous mettre en contact avec quelqu’un qui est
l’exemplaire le plus perfectionné des êtres que l’évolution cosmique ait
produit? Désirez-vous avoir une qualité de vie humaine qui ressemble à la
qualité de vie humaine que Jésus a incarnée au cours de son existence ? Eh
bien, vous devez calquez votre humanité, votre chair, sur l’humanité et la chair de cet homme! Vous devez boire de
lui, de son sang, c’est-à-dire de ses valeurs intérieures, de son esprit, qui
ont été comme le sang qui lui ont permis de réaliser la qualité de vie qu’il a
eue. Plongé dans l’intimité de Dieu, il a vécu en enfant de Dieu docile et aimant;
il a vécu en authentique fils de Dieu.
Si vous suivez Jésus, si vous mangez et buvez de lui, vous
lui ressemblerez, vous deviendrez comme lui: des humains accomplis, lumineux,
transparents, purifiés et polis par les feux de l’amour que son esprit aura allumés
en vous. Vous deviendrez, comme lui, de véritables enfants de Dieu… et votre
vie sera belle, sera pleine, sera bien fondée, sera réussie aux yeux des hommes
et aux yeux de Dieu.
BM
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