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lundi 22 avril 2013

Par où passe notre bonheur


PAR OÙ PASSE NOTRE  BONHEUR
( Jean 10, 27-30)

La figure de Jésus qui se trouve dans l’évangile de Jean est celui d’un Homme que la foi a déjà divinisé  et qui possède donc déjà les attributs typiques de la divinité. Dès le début de son évangile, Jean le présente comme  le Verbe de Dieu, venu habiter parmi nous. Et tout au long de sa narration l’évangéliste met dans la bouche de Jésus des déclarations sur son identité qui décrivent davantage un être divin qu’un être humain: «Je suis la lumière; je suis le pain de vie; je suis  le chemin ; je suis la vérité; je suis la résurrection et la vie…»; et dans le chapitre dix, d’où sont extrait les quelques versets de l’évangile d’aujourd’hui, Jésus dit qu’il est «la porte» par laquelle on rentre dans le bercail  en possession du bonheur,  «le pasteur», pas n’importe lequel, mais  «le bon» pasteur, qui a vraiment à cœur notre bien-être et auquel on s’attache dans la confiance et l’amour. Donc, tout ce que Jean dit de Jésus, nous devons le comprendre comme se référant à Dieu, et comme décrivant les caractéristiques du comportement de Dieu envers nous.

Malheureusement, le contenu de ce texte sur  le «bon berger»  a été déformé au cours de l’histoire du christianisme par une interprétation théologique partisane qui l’a utilisé pour justifier le pouvoir de la hiérarchie et l’autoritarisme de l’Église. Comme si  l'Église était  un peuple de "moutons" qui aurait  besoin d’être conduit. Comme si les chrétiens étaient des enfants incapables de marcher sur le droit chemin et d'accéder à la vérité. Laissés à eux-mêmes, ils oublieraient Dieu et finiraient par tourner en rond, prenant leurs vices pour des vertus et s’égarant ainsi loin des bons pâturages et du salut.

La Bible nous dit que depuis que le monde est monde, il y a toujours eu des bergers qui s'intéressent beaucoup aux brebis, mais pour les exploiter et les "perdre". Ce sont eux-mêmes des «loups» sournoisement pénétrés dans le bercail,  dit le texte évangélique. On peut "avoir" de la religion, mais en réalité l'utiliser comme un instrument pour gagner de l'argent, du pouvoir, de l'influence, une position. Jésus en était conscient et il affirme catégoriquement: «Tous ceux qui sont venu avant moi, sont des voleurs et des brigands». Ils ne parlent pas à leur brebis, ils ne les écoutent pas, il n’y a aucun dialogue, aucune communication, aucune communion. Tout autre est selon Jean le comportement de Dieu, le «bon» pasteur, manifesté en Jésus. L’évangéliste fait dire à Jésus : «Moi, au contraire des autres pasteurs,  je  connais  «mes» brebis; je les connais par  leur nom. Elles ne sont pas des numéros sur une carte d’assurance sociale, des citoyens imposables, des sujets à utiliser. Ils sont des personnes avec une identité, dont je connais la vie, les sentiments, les besoins. Je leur parle au cœur et les brebis connaissent ma voix, elles m’écoutent et me suivent, car je suis leur ami, prêt à tout pour elles, même à donner ma vie pour qu’elles puissent vivre en sécurité et profiter joyeusement des pâturages. Le verbe «connaitre» revient continuellement, comme un refrain, dans ce chapitre dix de l'évangile de Jean, Or, dans la Bible le verbe «connaitre» est utilisé pour indiquer la relation d'intimité qui existe entre deux amants. Il qualifie donc une relation d'amour  profonde, personnelle et exclusive.

En parlant avec ses "brebis", le "berger" de Jean utilise donc le langage de l'amour. C'est à ce langage que l'on reconnaît la véritable religion. La relation de Dieu à l'homme est un pur dialogue d'amour. Dans cet échange, nulle hostilité, nulle menace, mais seulement attention, affection, grâce, amitié et amour. C'est de ce langage d'amour que l'homme a besoin, car il lui permet de se découvrir lui-même comme être accepté et voulu. C'est bien de cela et uniquement de cela que Jésus parle. La Bible ne prête qu'à Dieu cette capacité de connaître quelqu'un jusqu'au fond de son être de telle sorte que tout ce qu'il lui dit provoque son épanouissement. Désormais, c'est avec Jésus qu'on peut réaliser ce genre de dialogue : ses mots vont au cœur de l'homme, libèrent ses songes, ses désirs, son espérance, ses attentes si souvent déçues. A tout cela, il redonne vie. Pour reprendre l'image de l'évangile, ils appellent l'homme à sortir de son enclos et, faut-il ajouter, à se lancer librement dans la nature, là où il pourra lui-même chercher et trouver sa nourriture et son bonheur.

C’est l’essentiel de toute religion : sentir que nous sommes portés par et reliés à une puissance d’amour  qui fonde la vérité de notre personne, car elle nous permet d’exister dans l’estime de nous mêmes et la  conscience de notre valeur; de nous accepter tels que nous sommes, sans honte, sans complexes, sans peurs, sans angoisses, malgré nos failles et nos limites, malgré le caractère superflu et éphémère de notre existence…et de vivre ainsi dans la confiance.

La découverte que quelqu'un s'adresse à nous dans le désert de notre vie, que nous sommes recherchés,  reconnus, estimés et aimés, en dépit de notre insignifiance, est la seule chose qui puisse nous arracher à notre solitude. Alors grandit en nous le sentiment que nous pouvons enfin vivre, jouir d'une vie riche, pleine, "rassasiée", convaincus, comme disait Jésus, que rien ni personne ne pourra nous arracher de la main de ce Dieu qui nous aime avec la fierté d’un  père et la tendresse d’une mère...et la passion d'un amant. Car, finalement, Dieu et nous, nous ne faisons plus qu’un dans cette communion qui nous attache à lui à tout jamais. Qui donc nous a constamment enseigné que la religion est tristesse, ascèse, renoncement, oubli de soi-même? Ce que Jésus entend  nous apporter, nous dit cet évangile, n'a rien qui vienne contredire l'aspiration humaine au bonheur, à la joie, mais ne fait, au contraire, que nous révéler la richesse insoupçonnée de la vie. Il nous faut l'accueillir par tous nos sens, par toutes nos pores; goûter Jésus lui-même comme on goûte la présence d’un amour ou d’un ami; comme on goûte le pain et l'eau, le soleil et la lumière sur la peau; se découvrir à l'abri près de lui, comme un petit chien blotti dans la chaleur de son maître; comme une brebis près de son pasteur, celui qui n'abandonne jamais son troupeau.

Certaines expériences peuvent nous donner une idée de ce qui se passe dans la vie d’une personne  lorsqu’elle est capable de s’établir dans une relation authentique avec ce vis-à vis divin qui fonde la vérité de son être et le sens de son existence: cette personne est assurée contre  la mort; cette personne a pour elle une promesse de vie éternelle: « A mes brebis …je leur donne la vie éternelle». Un exemple : voici deux personnes qui s'aiment depuis des années, mais qui ne cessent de se reposer la même question: «Qu'allons-nous devenir ? Que peut-il nous arriver ? Que se passera-t-il si nous tombons malades ou si des exigences professionnelles viennent à nous séparer ? Les circonstances de la vie sont si imprévisibles... La seule chose que nous puissions faire maintenant, c'est de nous assurer et de nous promettre que nous ne nous séparerons jamais». Mais qui peut assurer à l’amour une qualité d’éternité? Qui peut donner aux amants l’espoir que leur amour survivra au delà de leur finitude et de leur mort ? Seule la religion peut conférer à cet espoir et à cette promesse une possibilité de vérité et un cachet d'éternité. Elle permet de dire que même si la mort vient séparer les deux êtres qui s'aiment, cela ne changera rien à la réalité et à la continuité de leur amour. La religion vient en effet nous annoncer qu’en Dieu tout amour est, pour ainsi dire, cautionné, préservé et sauvé. Ce sentiment de se trouver à l'abri dans un espace protégé, maternel aussi bien que paternel, constitué par cette présence amoureuse de Dieu qui nous couvre, pour ainsi dire, continuellement de son ombre, nous donne une confiance que rien ne peut ébranler.  

Jésus est vraiment le bon berger de nos âmes, car il est celui qui, nous prenant par la main, nous conduit sur les chemins d’une confiance inconditionnée vers ce Dieu qui, par son amour, en  nous libérant de toute angoisse et de toute peur, nous réconcilie avec nous mêmes, nous rétablit dans la joie de vivre et fait en sorte que, finalement, nous nous sentions chez nous même dans un monde cruel et difficile. On peut dire que, d’une certaine façon, il nous fait retrouver le paradis perdu. Suivre ce berger ou pas, il s'agit pour nous vraiment d'un choix dans l’orientation fondamentale de notre existence, qui équivaut à un choix de vie ou de mort. Quand l’ombre de notre mort nous hante, on peut, on doit croire que Dieu, en Jésus, vient nous prendre par la main pour nous reconduire dans sa bergerie, en ce lieu de sécurité où nous nous retrouverons chez nous pour toujours.  

   MB (réflexion inspirée par le Commentaire de E. Drewerman à l'évangile de Jean)

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