Ils
parleront un langage nouveau…
(Marc 16, 15-20)
Je
ne sais pas si vous l’avez remarqué, mais, en général, tout le monde est
fasciné et attiré par les hauteurs (arbres, échelles, poteaux, tours,
gratte-ciels, escalade, parapente, deltaplane, parachutisme, alpinisme,
aviation, fusées, conquête spatiale). On dirait que c’est quelque chose qui
fait partie de notre nature; un instinct inné qui remonte sans doute très loin
dans l’histoire de notre espèce; un souvenir, peut-être, du temps où nous étions
des hominidés à peine descendus des arbres et pour lesquels, souvent, le seul
moyen d’échapper aux dangers qui les guettaient au sol, était de regrimper sur
les arbres et de se sauver dans les hauteurs.
Cet envoûtement,
cette fascination pour les hauteurs nous vient aussi du regard jaloux et
émerveillé avec lequel la race humaine, depuis la nuit des temps, a regardé le
vol des oiseaux. Ces créatures magiques capables d’échapper à la pesanteur qui
nous attache au sol et qui leur donne une liberté dont nous ne pouvons que rêver.
C’est aussi
là-haut, dans les hauteurs, que l’imagination humaine a placé la résidence de dieux.
C’est là aussi, dans le ciel, que les hommes ont imaginé qu’ils trouveront leur
bonheur pour l’éternité.
J’ai
remarqué aussi une autre chose: l’attraction pour les hauteurs (comme la passion
de la vitesse) est inversement proportionnelle à notre âge: plus nous sommes
jeunes, plus nous sommes attirés par les ascensions; plus nous prenons de l’âge,
plus nous sommes portés à rester collés au ras du sol et à nous accrocher à la
sécurité que nous donne la solidité et la pesanteur de notre existence. Nous
appelons cela bon sens, prudence, sagesse. Et si ce n’était que de la peur ?
Quoi
qu’il en soit, nous pouvons voir dans ce goût pour les hauteurs une parabole de
la vie et en tirer des réflexions importantes. La fête d’aujourd’hui hui
(l'ascension) vient justement nous rejoindre dans cet instinct primitif que
nous portons en nous. Elle cherche à interpréter et à questionner ce désir.
Elle nous dit: «Et si cet attrait était là pour quelque chose ou, tout au
moins, pour te dire et t’indiquer quelque chose? Peut-être est-il là pour te
faire comprendre que tu es fait pour vivre en hauteur; pour vivre ton existence
à un niveau supérieur, plus élevé que celui auquel voudrait te contraindre la
pesanteur et la force de gravité de tes exigences, de tes appétits et de tes
besoins matériels. Cette attirance vers les hauteurs que tu ressens si
fortement est peut-être là pour t’indiquer, d’une façon assez claire, que tu es
quelqu’un de spécial ; quelqu’un fait pour vivre en haut plus que pour rester en
bas; plus pour le ciel que pour la terre. Suis donc la pulsion de ton cœur et
l’aspiration de ton âme!»
Je pense que Jésus,
présenté par Marc dans ce mouvement d’élévation et d’ascension au ciel si
typiquement humain, est vraiment l’image et le symbole du mouvement qui devrait
constituer l’aspiration de toute existence humaine. En d’autres termes, le
message que le dimanche de l’ascension veut nous transmettre est le suivant: «Si
tu veux réussir ton existence, il faut que tu lui donnes des ailes, de la
hauteur. Comment? En te laissant entrainer par Jésus dans son mouvement vers le
haut».
À
travers la parabole (ou l‘image poétique à ne pas prendre comme un fait réel et
historique) de l’ascension de Jésus au ciel, l’évangile veut nous dire: «Voilà
un homme qui a su vivre sa vie à un niveau de hauteur qui ne finit pas de nous
étonner, parce qu’il a su orienter sa vie d’une façon presque exclusive vers la
conquête de l’intimité avec Dieu. C’est pour cela qu’il est devenu l’homme
selon le cœur de Dieu et, par conséquent, un miracle d’humanité; un exemple admirable
d’homme parfaitement accompli. Eh bien, suivez sa route! Vous deviendrez vous aussi
des êtres qui volent haut. Vous deviendrez vous aussi des personnes selon le
cœur de Dieu ; des hommes et des femmes vivant un niveau et une qualité
d’humanité qui émerveillera et interpellera tous ceux qui vous entourent.
L’évangile
nous assure donc que notre adhésion à Jésus de Nazareth fera de nous non
seulement des êtres guéris, réparés, restaurés, mais aussi des créatures
nouvelles, complètement régénérées et transformées. Des personnes capable d’un
nouveau style de vie, qui son animées d’un autre esprit; qui privilégient et suivent
d’autres valeurs, qui appartiennent désormais à un autre monde et à un autre genre
de société, qui communiquent sur une autre longueur d’onde et qui parlent un langage nouveau.
À ces hauteurs
d’adhésion et de foi, -toujours selon l’évangile de ce dimanche- plus rien venant
du bas ne peut nous faire peur ou nous angoisser. Nous sommes établis dans la
force et la confiance qui nous viennent de notre proximité avec Dieu. Nous pouvons
être entourés de serpents; manipuler
et traiter des vipères, sans en être effrayés. Nous pouvons être plongé dans un
monde d’injustice, de haine, de méchanceté; être appelés à toucher à toutes
sortes de poisons, sans en être affectés.
A cause de notre transformation intérieure et à cause de la hauteur à laquelle
nous vivons, à cause de la certitude inébranlable d’être des personnes aimées
et voulues par Dieu, nous sommes établis dans la paix et la confiance et nous
devenons nécessairement un point de référence pour les égarés; un port d’accueil
pour les rejetés; un signe et un espoir de salut pour tous les meurtris de l’existence.
Oui c’est vrai: les malades qui viennent
à nous s’en trouveront bien! Car, à cause de notre attachement au Dieu de
Jésus, nous sommes devenus, nous les chrétiens, les porteurs en ce monde de la qualité
et de la force de son Amour.
Bruno Mori
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