RÉFLEXIONS POUR LE JOUR DE PÂQUES 2015
La résurrection n’est pas épisode de la vie de
Jésus qui pourrait être catalogué parmi les autres récits qui constituent la
trame de sa vie terrestre ou qui pourrait constituer matière pour sa
biographie. La résurrection n’est pas un fait historique temporel, physique,
tangible qui pourrait être vu, photographié et placé dans les chroniques
d’actualité d’un journal local. À la limite, on pourrait affirmer que le
concept chrétien de résurrection ne
concerne pas directement Jésus, mais principalement ses disciples. Dans le
langage chrétien, le mot «résurrection» indique quelque chose qui se passe
exclusivement dans l’esprit des personnes. Ce terme caractérise une expérience
religieuse, spirituelle, intime, intérieure, mystique si l’on veut, que les
premiers disciples de Jésus ont vécue dans leur âme. Les témoignages de cette
«résurrection» que les évangiles nous rapportent, décrivent fondamentalement
des sensations spirituelles vécues par des personnes croyantes qui, après la
mort de Jésus, le perçoivent comme vivant et présent. L’intensité de leur foi
et de leur attachement à l’homme de Nazareth, produit en elles la conviction
que cet homme extraordinaire, qui après sa mort participe de la plénitude de la
vie de Dieu, est maintenant plus que jamais capable de susciter, d’activer,
d’intensifier et d’éterniser dans l’existence de chaque croyant les énergies
bénéfiques et salutaires qu’il mettait en œuvre au cours de sa vie terrestre.
La
résurrection est donc un phénomène spirituel qui se passe dans le cœur et dans
l’esprit de ceux et celles qui ont connu et aimé Jésus et pour qui le Maître
continue d’être important, influant, agissant et donc présent et vivant, même
après sa mort et, je dirais même, surtout après sa mort. Les disciples de Jésus
ont senti que la mort de leur maître n’enlevait absolument rien à l’importance de
sa vie, de son message, de son projet, de son rêve. Ils se sont aperçus que les
valeurs et les attitudes que le Maître avait incarnées, vécues, transmises,
n’avaient pas disparues avec lui, mais qu’elles continuaient à être aussi
vraies, aussi efficaces, aussi valables, aussi séduisantes que jamais. Après la
mort de Jésus, ses disciples se rendirent compte que son Esprit n’était pas
mort, mais qu’il demeurait vivant et agissant dans le cœur et l’âme de ceux et
celles qui l’avaient connu et aimé. Après sa mort, les disciples ont senti non
seulement que Jésus était vivant auprès de Dieu, dans la vie et l’amour duquel
il était entré comme toute personne qui meure, mais qu’il persistait à être
vivant dans la vie et le cœur de tous ceux et celles qui avaient cru en lui.
Après la mort
de Jésus, non seulement ses compagnons ont continué à vivre de lui, mais ils
ont continué à le sentir actif et donc présent dans leur existence. Et c’est
sans doute à cause de cela qu’ils n’ont pas pu s’empêcher de le proclamer
vivant et, pour utiliser leur vocabulaire, «ressuscité». «Le Maître vit; la
mort n’a rien pu faire contre lui; il est toujours vivant et nous le sentons,
l’expérimentons et le voyons dans notre vie!» Voilà l’annonce pascale des
chrétiens!
Cela explique
pourquoi les autorités religieuses juives qui l’avaient éliminé, ont réagi avec
autant d’agressivité, de colère et de peur à l’annonce chrétienne de sa
résurrection. Pourtant les récits de résurrections étaient monnaie assez
courante dans la littérature populaire et religieuse de l’époque. Pourquoi
alors s’en faire autant pour des racontars semblables venants de prosélytes
désappointés? Pourquoi s’en faire si un mort a eu la chance d’être rendu à la
vie par un miracle de la toute puissance de Dieu? Tant mieux pour lui!
Aujourd’hui aucun de nous ne s’affole ou ne s’énerve à la nouvelle de la
résurrection de Jésus de Nazareth. Cela nous laisse bien indifférents. Pourquoi
cela ne laissait pas indifférentes les autorités juives du temps de Jésus? Sans
doute parce qu’elles donnaient à ce mot un contenu différant du nôtre. Étant de
la même culture, de la même religion et ayant la même mentalité que les premiers
disciples de Jésus, elles avaient compris que la proclamation chrétienne «Jésus
est vivant», ne faisait pas du tout référence à une revivification ou
réanimation physiologique d’un cadavre; ni à un retour d’un mort à la vie
corporelle, mais à la continuation de l’esprit de Jésus dans la vie de ses
disciples. Les autorités religieuses juives qui avaient tout fait pour se
débarrasser du Nazaréen, avaient saisi que l’affaire
Jésus était loin d’être classée et que la cause de Jésus continuait de plus
belle. Son esprit, son enseignement, son projet, son utopie continuaient à
inspirer et à animer le mouvement spirituel qu’il avait initié. À travers ses
disciples, Jésus poursuivait son œuvre. Si lui avait été supprimé, sa cause
n’était pas morte. Ses adversaires n’avaient donc pas réussi à s’en débarrasser
et à le faire taire. Ses adversaires avaient été battus. C’est cela qui a
enragé les autorités juives qui ne voulaient pas s’avouer vaincues et qui ont
tout mis en œuvre pour étouffer l’annonce chrétienne de la «résurrection» de
Jésus.
Pour les
disciples de Jésus croire en sa résurrection ne veut donc pas dire croire en
une absurde et impossible réanimation d’un cadavre ou en une sortie physique du
tombeau d’un revenant de la mort. Croire en la résurrection signifie croire que
la cause pour laquelle Jésus s’est battu et est mort est valide encore aujourd’hui
; qu’elle est aussi notre cause; une cause pour laquelle il vaut la peine de
vivre, de lutter et de mourir.
Croire en la
résurrection de Jésus signifie croire que sa parole, son enseignement, son
projet, sa cause expriment les valeurs fondamentales de notre existence. Cela signifie
croire que son action, sa parole, sa pensée, sa foi, sa qualité d’humanité
peuvent laisser des traces profondes et indélébiles dans notre existence, au
point que notre vie peut en être complètement transformée. Ce qui est important
ce n’est pas de croire en Jésus, mais de croire comme Jésus. Ce n’est pas
d’avoir foi en Jésus, mais d’avoir la foi de Jésus. C’est de vivre selon son
esprit et le style de vie qui fut le sien…et qui a fasciné le monde. Si notre
foi reproduit la foi de Jésus (c’est-à-dire ses convictions, son idée de Dieu,
sa vision de la vie et de l’histoire humaine, son attitude vis-à-vis des pauvres,
des marginaux, des dérapés, ses options face à la richesse et au pouvoir),
notre foi sera aussi critique, conflictuelle et combative que celle de la
prédication des Apôtres ou de Jésus.
À travers nous, ses disciples, le prophète de
Nazareth poursuit son œuvre. Certes, pour nous il reste l’homme que la
méchanceté humaine nous a enlevé; mais il est et restera toujours l’homme
rempli de l’Esprit de Dieu, le modèle le plus accompli d’humanité, une lumière
sur notre route et un chemin de salut. Il restera aussi celui que notre foi, notre
admiration et notre amour continueront à rendre vivant et ressuscité dans notre
vie et notre monde.
BM
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire