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vendredi 17 avril 2015

Souffrance de Jésus et souffrance du monde

RÉFLEXIONS SUR LA MORT DU SEIGNEUR

La mort de Jésus sur la croix n’a pas été un événement prédéterminé à l’avance, cela n'a pas été un sacrifice organisé et voulu par Dieu. La mort de Jésus sur la croix n’est pas le rachat ou le prix du sang  payé par Jésus à un Dieu offensé, afin d’apaiser sa colère à cause du péché de l’humanité, pour obtenir son pardon et la remise de la condamnation au feu éternel, comme pendant des siècles l’a enseigné et l’enseigne encore une sinistre et fausse théologie.

Au contraire, Jésus a été tué  parce qu’il a annoncé un Dieu tout à fait différent. Son Dieu n’est pas un Dieu qui s’irrite, qui surveille, qui juge, qui punit, qui exige réparation, compensation, soumission, adoration, supplications. Son Dieu n’est pas une divinité capricieuse et irascible qu’il faut adoucir et calmer par des prières, des offrandes et des sacrifices. 

Jésus est mort parce qu’il il a fait mourir ce Dieu sévère, cruel et colérique. Son Dieu est un Dieu qui est Père, qui est Mère, qui est tendresse, miséricorde et  pitié; qui est accueil, tolérance et amour. Son Dieu est un Dieu qui accepte tout le monde: les bons et les méchants, les proches et les lointains, les conformes et les non-conformes, les purs et les impurs, les riches et les pauvres, les juifs et les païens, les pharisiens et les publicains, les blancs et les noirs, les prostituées, les adultères, les homosexuels, les russes et les américains, les femmes qui avortent et celles qui gardent leur enfant.  Son Dieu aime tout ce monde, aussi intensément qu’il aime Marie de Magdala, Pierre, Jacques et Jean,  Lazard, Marthe et Marie …

Son Dieu est tellement différent de celui imaginé par les religions, que Jésus le présente même comme ayant un faible pour les «pécheurs», c'est-à-dire pour ceux et celles qui se sont trompés, qui se sont égarés; qui, à cause de leur limites, de leurs  faiblesses, de leurs fautes, n’ont pas réussi à suivre les règles; se sont laissés entraîner sur de mauvais chemins; n’ont pas fait les bons choix … et qui maintenant ont mal dans leurs corps et dans leurs âmes.   

Jésus es mort parce qu’il a déclaré et enseigné que c’est justement  pour ces  gens là que Dieu est Dieu. Quel sens aurait un Dieu-Amour qui ne serait pas tel pour  l’homme blessé, égaré, malheureux, assoiffé d’amour ? Un Dieu qui ne serait pas là pour protéger,  réchapper, libérer, sauver ? Quel sens aurait un Dieu-Énergie-Originelle d’Amour qui n‘inspirerait pas confiance et abandon et qui ne constituerait pas pour les éprouvés de l’existence un espoir de vie et une source de renouvellement, de guérison et de salut ?

            Jésus a été tué par l’Institution religieuse de son temps  parce qu’il a supprimé et  tué le Dieu qu’elle s’était fabriqué pour en tirer prestige et pouvoir. Il a été éliminé par les autorités religieuses de son pays parce qu’il a dénoncé leur hypocrisie, leur ambition, leur  vanité, leur compromission avec le pouvoir politique, ainsi que l’usage de la religion et de l’ignorance des gens pour se procurer avantages matériels et économiques.

Jésus a été éliminée par le pouvoir civil de son époque parce qu’il a renversé les principes qui régissaient l’orientation de leurs pensées, de leurs décisions et de leur politique. Il a été tué parce qu’il a proclamé la grandeur des petits, la valeur de  tous ceux et celles qui sont considérés sans valeur; parce qu’il s’est érigé contre toute forme d’exploitation des plus faibles par les plus puissants; parce qu’il a condamné la recherche du pouvoir, de l’argent et de la richesse comme normes structurantes et finales de l’agir humain. 

Jésus a été tué parce qu’il a pris la part des plus faibles contre les plus forts, des impurs contre les purs, des pauvres contre les riches, des exploités contre les exploiteurs, des exclus contre les rangés, des pécheurs contre les justes. Il a été tué parce qu’il s’est identifié aux bandits, à tous les hors-norme que le système cherche à supprimer. Il a été tué parce qu’il subvertissait les traditions et les normes reçues et parce qu’il dérangeait l’ordre établi qui assure le pouvoir de ceux qui gouvernent.

En tant que chrétiens nous nous émouvons au souvenir des souffrances du Seigneur. Mais sommes-nous touchés par la misère et la douleur de tous les délaissés, les abandonnés, les suppliciés de notre monde? Je pense aux millions de travailleurs qui s’échinent comme des esclaves, avec des salaires de misère et en des conditions affreuses au Pakistan, en Inde, en Chine… Je pense au travail des enfants, à l’exploitation sexuelle des femmes et des enfants à des fins commerciales. Je pense au commerce clandestins des organes; à la vente d’armes aux pays sous-développés qui entretient l’instabilité, les rivalités tribales, le désordre et la violence. Je pense aux conditions ignobles et dégradantes de soumission, de violence et d’inégalité dans lesquelles les femmes sont tenues dans de nombreux pays du globe. Je pense à la pratique de l’esclavage encore en vigueur dans certains pays d’Afrique et du Moyen Orient. Je pense à la plaie du racisme, de la discrimination, de l’intolérance dont font encore l’objet les femmes, les immigrés, les gens de couleur, les homosexuels, les sidatiques. Je pense à la persécution des chrétiens  de la part des groupes extrémistes de l’islam. Je pense au terrorisme engendré par le fanatisme religieux et par l’ignorance, avec sa cohorte d’horreurs et de souffrances. Je pense aux guerres entretenues subrepticement par l’ambition, la soif du pouvoir et les rêve secrets d’expansion et de conquête, comme c’est le cas de la Russie par rapport à l’Ukraine en ce moment. Oui, partout dans le monde des êtres  innocents sont encore et toujours  crucifiés!

La passion de Jésus s’inscrit alors à l’intérieur de la passion de tous ceux et celles qui souffrent et sa mort en croix exprime sa solidarité avec tous les crucifiés de l’histoire. Oui, la passion du Seigneur continue aujourd’hui encore dans la passion de notre monde crucifié sur la gibet de la cupidité, de la méchanceté, de le cruauté et de la stupidité humaine.
À la suite de Jésus et comme Jésus, les chrétiens sont appelés à se charger de la croix pour lutter contre les innombrables croix qui pèsent sur les épaules de tant de personnes dans notre société dite progressiste et moderne. Cela signifie que les chrétiens sont appelés à s’engager avec détermination et courage, coûte que coûte, au prix de leur bien-être, de leur  tranquillité et même de leur vie; à devenir solidaires avec tous ceux qui souffrent, qui sont opprimés, qui sont ignorés et abandonnés; à s’opposer et à réagir contre toute forme d’exploitation, d’inégalité et d’injustice qui déshumanisent parce qu’elles créent souffrance, humiliation, déchéance et pauvreté. Si nous les chrétiens sommes capables de relever le défi de la croix et de souffrir et de lutter pour plus d’amour, de justice, de fraternité et d’humanité sur cette terre, peut-être pourrons-nous contribuer à  bâtir un monde meilleur, ce monde transformé et rénové par les forces de  l’amour dont Jésus avait  rêvé lorsqu’il annonçait la possibilité d’un «royaume de Dieu» sur terre.

Ainsi nous comprenons mieux pourquoi le christianisme proclame que la Croix de Jésus, unie à la croix des chrétiens, a le pouvoir de sauver le monde.



BM



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