RÉFLEXIONS SUR LA MORT DU
SEIGNEUR
La mort de Jésus
sur la croix n’a pas été un événement prédéterminé à l’avance, cela n'a pas été
un sacrifice organisé et voulu par Dieu. La mort de Jésus sur la croix n’est
pas le rachat ou le prix du sang payé
par Jésus à un Dieu offensé, afin d’apaiser sa colère à cause du péché de
l’humanité, pour obtenir son pardon et la remise de la condamnation au feu
éternel, comme pendant des siècles l’a enseigné et l’enseigne encore une sinistre
et fausse théologie.
Au contraire, Jésus
a été tué parce qu’il a annoncé un Dieu tout
à fait différent. Son Dieu n’est pas un Dieu qui s’irrite, qui surveille, qui
juge, qui punit, qui exige réparation, compensation, soumission, adoration, supplications.
Son Dieu n’est pas une divinité capricieuse et irascible qu’il faut adoucir et
calmer par des prières, des offrandes et des sacrifices.
Jésus est mort
parce qu’il il a fait mourir ce Dieu sévère, cruel et colérique. Son Dieu est
un Dieu qui est Père, qui est Mère, qui est tendresse, miséricorde et pitié; qui est accueil, tolérance et amour.
Son Dieu est un Dieu qui accepte tout le monde: les bons et les méchants, les proches
et les lointains, les conformes et les non-conformes, les purs et les impurs,
les riches et les pauvres, les juifs et les païens, les pharisiens et les
publicains, les blancs et les noirs, les prostituées, les adultères, les
homosexuels, les russes et les américains, les femmes qui avortent et celles qui
gardent leur enfant. Son Dieu aime tout
ce monde, aussi intensément qu’il aime Marie de Magdala, Pierre, Jacques et
Jean, Lazard, Marthe et Marie …
Son Dieu est tellement
différent de celui imaginé par les religions, que Jésus le présente même comme
ayant un faible pour les «pécheurs», c'est-à-dire pour ceux et celles qui se
sont trompés, qui se sont égarés; qui, à cause de leur limites, de leurs faiblesses, de leurs fautes, n’ont pas réussi
à suivre les règles; se sont laissés entraîner sur de mauvais chemins; n’ont
pas fait les bons choix … et qui maintenant ont mal dans leurs corps et dans
leurs âmes.
Jésus es mort parce
qu’il a déclaré et enseigné que c’est justement
pour ces gens là que Dieu est
Dieu. Quel sens aurait un Dieu-Amour qui ne serait pas tel pour l’homme blessé, égaré, malheureux, assoiffé
d’amour ? Un Dieu qui ne serait pas là pour protéger, réchapper, libérer, sauver ? Quel sens aurait
un Dieu-Énergie-Originelle d’Amour qui n‘inspirerait pas confiance et abandon
et qui ne constituerait pas pour les éprouvés de l’existence un espoir de vie
et une source de renouvellement, de guérison et de salut ?
Jésus
a été tué par l’Institution religieuse de son temps parce qu’il a supprimé et tué le Dieu qu’elle s’était fabriqué pour en
tirer prestige et pouvoir. Il a été éliminé par les autorités religieuses de
son pays parce qu’il a dénoncé leur hypocrisie, leur ambition, leur vanité, leur compromission avec le pouvoir
politique, ainsi que l’usage de la religion et de l’ignorance des gens pour se
procurer avantages matériels et économiques.
Jésus a été
éliminée par le pouvoir civil de son époque parce qu’il a renversé les principes
qui régissaient l’orientation de leurs pensées, de leurs décisions et de leur politique.
Il a été tué parce qu’il a proclamé la grandeur des petits, la valeur de tous ceux et celles qui sont considérés sans
valeur; parce qu’il s’est érigé contre toute forme d’exploitation des plus
faibles par les plus puissants; parce qu’il a condamné la recherche du pouvoir,
de l’argent et de la richesse comme normes structurantes et finales de l’agir humain.
Jésus a été tué
parce qu’il a pris la part des plus faibles contre les plus forts, des impurs
contre les purs, des pauvres contre les riches, des exploités contre les
exploiteurs, des exclus contre les rangés, des pécheurs contre les justes. Il a
été tué parce qu’il s’est identifié aux bandits, à tous les hors-norme que le
système cherche à supprimer. Il a été tué parce qu’il subvertissait les traditions
et les normes reçues et parce qu’il dérangeait l’ordre établi qui assure le
pouvoir de ceux qui gouvernent.
En tant que chrétiens
nous nous émouvons au souvenir des souffrances du Seigneur. Mais sommes-nous
touchés par la misère et la douleur de tous les délaissés, les abandonnés, les suppliciés
de notre monde? Je pense aux millions de travailleurs qui s’échinent comme des
esclaves, avec des salaires de misère et en des conditions affreuses au
Pakistan, en Inde, en Chine… Je pense au travail des enfants, à l’exploitation sexuelle
des femmes et des enfants à des fins commerciales. Je pense au commerce
clandestins des organes; à la vente d’armes aux pays sous-développés qui
entretient l’instabilité, les rivalités tribales, le désordre et la violence.
Je pense aux conditions ignobles et dégradantes de soumission, de violence et d’inégalité
dans lesquelles les femmes sont tenues dans de nombreux pays du globe. Je pense
à la pratique de l’esclavage encore en vigueur dans certains pays d’Afrique et
du Moyen Orient. Je pense à la plaie du racisme, de la discrimination, de l’intolérance
dont font encore l’objet les femmes, les immigrés, les gens de couleur, les
homosexuels, les sidatiques. Je pense à la persécution des chrétiens de la part des groupes extrémistes de l’islam.
Je pense au terrorisme engendré par le fanatisme religieux et par l’ignorance,
avec sa cohorte d’horreurs et de souffrances. Je pense aux guerres entretenues subrepticement
par l’ambition, la soif du pouvoir et les rêve secrets d’expansion et de
conquête, comme c’est le cas de la
Russie par rapport à l’Ukraine en ce moment. Oui, partout
dans le monde des êtres innocents sont
encore et toujours crucifiés!
La passion de
Jésus s’inscrit alors à l’intérieur de la passion de tous ceux et celles qui
souffrent et sa mort en croix exprime sa solidarité avec tous les crucifiés de
l’histoire. Oui, la passion du Seigneur continue aujourd’hui encore dans la
passion de notre monde crucifié sur la gibet de la cupidité, de la méchanceté, de
le cruauté et de la stupidité humaine.
À la suite de
Jésus et comme Jésus, les chrétiens sont appelés à se charger de la croix pour
lutter contre les innombrables croix qui pèsent sur les épaules de tant de personnes
dans notre société dite progressiste et moderne. Cela signifie que les chrétiens sont appelés à s’engager avec détermination
et courage, coûte que coûte, au prix de leur
bien-être, de leur tranquillité et même
de leur vie; à devenir solidaires avec tous ceux qui souffrent, qui sont opprimés,
qui sont ignorés et abandonnés; à s’opposer et à réagir contre toute forme
d’exploitation, d’inégalité et d’injustice qui déshumanisent parce qu’elles créent
souffrance, humiliation, déchéance et pauvreté. Si nous les chrétiens sommes
capables de relever le défi de la croix et de souffrir et de lutter pour plus d’amour,
de justice, de fraternité et d’humanité sur cette terre, peut-être pourrons-nous
contribuer à bâtir un monde meilleur, ce
monde transformé et rénové par les forces de
l’amour dont Jésus avait rêvé lorsqu’il
annonçait la possibilité d’un «royaume de Dieu» sur terre.
Ainsi nous
comprenons mieux pourquoi le christianisme proclame que la Croix de Jésus, unie à la
croix des chrétiens, a le pouvoir de sauver le monde.
BM
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