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vendredi 17 avril 2015

JÉSUS NOUS DEMANDE DE NOUS LAVER LES PIEDS LES UNS LES AUTRES …


(Jn 13,1-15)

Méditation du Jeudi Saint 2015

Dans l’évangile de Jean, la dernière Cène constitue le moment culminant de la vie de Jésus. Nous y trouvons le récit de Jésus qui lave les pieds de ses disciples. Dans la pensée de Jean, ce geste est tellement important que sa valeur symbolique devient désormais le paradigme du comportement chrétien et donc la condition indispensable pour que quelqu’un puisse se considérer comme disciple du Seigneur. Ce que Jean veut dire, en nous laissant le souvenir de cette action de Jésus, est ceci : «Tu n’es chrétien, tu n’es son disciple que si dans ta vie tu es capable, comme Jésus et à sa suite, de te dévêtir du manteau de ton égoïsme et de ta suffisance pour te mettre humblement au service des autres comme un égal et un frère, disposé, si nécessaire, à leur laver les pieds».

En transmettant ce geste de Jésus, l’évangéliste Jean, pour qui Jésus incarne la présence de Dieu parmi nous, veut aussi aider les chrétiens à se défaire d’une fausse image de Dieu. En présentant Jésus qui, aux pieds de ses disciples, adopte le comportement de l’esclave, il cherche à faire comprendre qu’en Jésus Dieu ne se manifeste pas comme le souverain tout-puissant, le grand chef des armées célestes qui exige soumission et obéissance, le juge sévère qui surveille, contrôle et demande des comptes, mais comme le Serviteur de l’homme qui n’écrase jamais personne avec les exigences de sa supériorité, mais cherche, au contraire, à élever l’homme, avec patience et amour, jusqu’à la mesure de sa grandeur et de sa sainteté. Pour Jean, Jésus est l’incarnation de cette attitude de Dieu qui veut être au service de l’homme afin de le libérer des pulsions néfastes qui l’écrasent au sol et qui l’empêchent de prendre l’envol vers les hauteurs pour lesquelles il a été créé en tant qu’être humain et enfant de Dieu.

Cet évangile constitue alors une critique du Dieu des religions, car ce Dieu ne correspond pas à celui que Jésus nous a révélé. Ce texte d’évangile nous oblige à abandonner la conception «religieuse» de Dieu, pour adopter le Dieu «profane» dont parle Jésus. Son Dieu, en effet, ne se trouve pas dans les temples, les cathédrales, les basiliques, les églises, dans les rites, les prières, les dévotions, les pratiques de piété, mais seulement là où il y de l’amour à donner et de l’amour à recevoir, ainsi que le chante une ancienne hymne chrétienne: « Ubi caritas et amor, Deus ibi est». Là où naissent des gestes de bonté, de compassion, de disponibilité, de don de soi, de pardon, d’entraide, de service … là se manifeste le Dieu de Jésus-Christ. Et ces gestes ne sont jamais posés dans les lieux sacrés de la religion et du culte, mais toujours en dehors d’eux … Partout où il y a des gens ordinaires, humbles, simples, démunis, oubliés, exploités, opprimés, souffrants… là se trouve le terreau propice à l’éclosion des actes de l’amour et du service qui réalisent la présence de Dieu dans notre monde.

L’évangéliste Jean avait compris qu’avec Jésus avait fait irruption dans notre monde une nouvelle façon de concevoir Dieu et de traiter l’homme. À l’écoute de Jésus, il avait appris que Dieu est amour qui se donne et que l’homme ne s’humanise qu’en se divinisant, c'est-à-dire, en posant le geste divin de l’amour gratuit et désintéressé… à l’exemple de son Maître. D’après ce Maître, désormais la grandeur et la valeur de la personne ne sont plus dans sa force, dans sa supériorité, dans son pouvoir, dans son argent, mais dans sa capacité de se faire le dernier de tous et le serviteur de tous. Ainsi, dira-t-il, celui qui veut trop se préoccuper de sa vie, la perdra. Mais celui qui sera capable de donner sa vie en faveur des autres et pour les autres, la transformera en une réussite merveilleuse, en un bijou précieux qui enrichira et celui qui le donne et ceux et celles qui le reçoivent.

Désormais il n’y a plus des monarques, des souverains, des commandants, des chefs, des boss, des personnes qui sont en haut et d’autres qui sont en bas, des personnes qui sont supérieures et d’autres qui sont inférieures. Désormais il n’y a que des serviteurs. C’est ce que Pierre refuse d’admettre ou de comprendre, mais qu’il doit accepter et réaliser, s’il veut avoir une place à la table du Seigneur, même si ce comportement que Jésus propose à ses disciples lui paraît utopiste et insensé.

C’est ce que nous devons accepter nous aussi, les chrétiens du XXIe siècle, qui pensons être les chanceux représentants d’une modernité «évoluée»…, mais qui, en réalité, vivons encore aux temps préhistoriques de la confrontation tribale, de la lutte pour les meilleurs pâturages et le plus gros gibier; qui sommes contaminés par le virus de la consommation, aveuglés par le culte de l’argent; abrutis par l’angoisse de la supériorité;  qui pensons être au sommet de la civilisation et du progrès parce que notre technique et notre savoir sont capables de ravager et piller la planète et de la rendre inhabitable…, nous-aussi devons apprendre de Jésus à nous défaire de notre égoïsme, de notre arrogance, de notre sentiment de supériorité, de notre cupidité et à nous mettre aux pieds des autres et au service de tout ce qui est autre, dans une attitude de véritable humilité, de soin, d’attention, de respect et d‘amour.

Seulement lorsque les humains auront intériorisé l’attitude de Jésus qui lave les pieds de son prochain, ils pourront dire d’être sur le chemin de leur véritable humanisation. Il y aura alors un certain espoir de vie pour notre race et pour la planète qu’elle habite.


BM



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