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lundi 11 mars 2013


LE CONCLAVE, UN ANACHRONISME  ANTIÉVANGÉLIQUE

( Par Jean-Paul Richards)


La forme actuelle du Conclave est non seulement anachronique, mais antiévangélique. Voyons pourquoi.

Il est anachronique, d'une part parce qu'il vient du Moyen Age (presque millénaire), mais surtout parce qu'il ne respecte pas les conditions minimales de ce que devrait être aujourd'hui une élection dans les hautes sphères d'une institution religieuse d’importance mondiale. Étant donné que le «monarque» de l'Église Catholique est un célibataire et qu’il n’a pas d’enfants comme héritiers naturels, une procédure qui correspond tout à fait à une «monarchie héréditaire» est précisément celle-ci: que le monarque désigne personnellement ceux qui vont élire son successeur ; qu’il produise des clones de lui-même, afin que ceux-ci puissent  perpétuer sa « structure génétique» et être des copies conformes du monarque. L’Église Catholique est ainsi la dernière monarchie absolue, directement issue de l'Ancien Régime et du Moyen Age, qui est un otage volontaire des institutions qu’elle a elle-même créées dans le but de préserver son pouvoir et qui présente, dans l’autoritarisme élitiste du Conclave, un de ses anachronismes les plus frappants et un des obstacles les plus efficaces à son renouvellement.

Mais le caractère anachronique, révolu et périmé du conclave n’est pas ce qu’il y a de pire dans cette façon d’élire le pape. C’est tout le processus de l’élection du pontife suprême tel qu’il a été fixé pas les derniers papes qui est antiévangélique et entaché, dans son ensemble, de vices graves, à savoir:

- Sexisme: de fait - pas de droit ! – Ceux qui participent au conclave sont exclusivement des hommes. Même en laissant de côté la question de la possibilité de la prêtrise pour les femmes, il est évident et reconnu que, canoniquement, les femmes peuvent être "électrices" du pape, comme peut l’être n’importe quel chrétien ordonné ou pas. Cependant, la procédure actuelle du Conclave telle qu’elle a été dernièrement reformée et réglementée par les derniers papes (surtout Jean-Paul II) proclame haut et fort la marginalisation des femmes et perpétue leur exclusion des instances du pouvoir clérical, même là où il n’y a aucun empêchement canonique, mais seulement un parti pris sexiste et idéologique;

- Cléricalisme: tous les membres du conclave sont, de fait, des membres mâles du clergé, des fonctionnaires et des dignitaires qui on atteint le sommet de l’échelle du système hiérarchique et bureaucratique de l’Institution ecclésiale. Le conclave continue de montrer et de perpétuer l'Église Catholique comme une structure cléricale, comme une théocratie sacerdotale, et comme une société duale de clercs et des laïcs laquelle  marginalise systématiquement  et  catégoriquement ces derniers, surtout s’ils sont de sexe féminin;

- Gérontocratie: à cause de l'âge moyen remarquablement élevé des membres de droit au conclaves et, indirectement, à cause du caractère éminemment honorifique, courtisan, pragmatique et politique des critères à la base de la nomination des cardinaux;

- L'absence de représentation: les membres du conclave ne sont les représentants de personne. Ils ne représentent qu’eux-mêmes et l’autorité qui les a créés. Dans le conclave aucune représentativité organique et formelle des Églises locales, des Conférences épiscopales, ou des régions ou des continents. Aucune représentativité non plus des différentes  théologies, des différents courants de pensée et des mouvements de  contestation au sein du peuple chrétien. Aucune représentativité des revendications des femmes et des mouvements qui luttent pour l’égalité des sexes, et légalité et la reconnaissance des droits religieux des  minorités homophiles. Dans un monde moderne structuré par la démocratie, le conclave en est la négation la plus totale.

- Cooptation: les électeurs sont choisis par la personne à être remplacée, sans aucun autre critère que le sien personnel et sans être contrebalancée par l'approbation d’une autre instance (séparation des pouvoirs), et  selon un règlement que la personnes à être remplacée dicte et  réforme librement. Il est donc normal  que seulement  l'idéologie dominante et officielle soit celle qui continue à être présente et à influencer les choix et les décisions du collège des cardinaux, sans qu’il  y ait la possibilité d’une vision différente ou d’un  point de vue différent et alternatif, et sans même la plus petite présence d’une saine et indispensable «opposition» ...

La procédure du conclave n'est pas un dogme de foi, c’est une simple décision ecclésiastique et elle  peut être abandonnée à tout moment. N’importe quel chrétien peut la considérer obsolète, voire dangereuse, selon son jugement et  en toute liberté. Le conclave, institution antiévangélique qui marginalise totalement les femmes, les laïcs, ceux qui n’ont pas de  pouvoir, ceux qui pensent différemment, et tout cela par voie de pouvoir absolu, autoritaire et sans appel ... n’est donc pas compatible aujourd'hui avec l'Évangile. Si Jésus entrait dans la Chapelle Sixtine, il renverserait à nouveau les tables et les sièges des cardinaux électeurs. Toute théologie qui prétendrait justifier les procédures actuelles du conclave devrait être rejetée comme idéologique, en vertu de ce critère évangélique: «un arbre qui porte des fruits mauvais, ne peut pas être bon."

Jean-Paul II, qui a renouvelé en 1996 une législation du conclave en le confirmant dans ses lacunes séculaires, était poussé à cela par «la peur d’ouvrir les portes» aux  femmes, aux laïcs, aux églises locales, à la participation du peuple de Dieu et donc, finalement,  à la volonté de Jésus. Si nous continuons à tenir des conclaves qui se déroulent avec des portes aussi  fermées, nous continuerons probablement à élire des papes   qui auront beaucoup de difficultés à ouvrir des portes en d’autres domaines et à d’autres niveaux.

Si le Peuple de Dieu  prend conscience de ces vices capitaux inhérents au système actuel d’élection du pape et de l'urgence d'y remédier, il sera peut-être plus facile dans le futur d’abandonner cet anachronisme antiévangélique qui nous vient du passé, pour le bien de l'Église et de la papauté elle-même.

Dans le contexte immédiat de la renonciation de Benoît XVI, il est irréaliste de penser que la procédure actuelle du conclave puisse être contournée; procédure qui vient précisément d’être reconfirmée  par les dernières normatives de ce pape.

Mais il est important que les cardinaux  «électeurs» sachent qu'ils sont en train d’utiliser une méthode d’élection qui est  rejetée par le sensus fidelium d'un nombre incalculable de chrétiens et de chrétiennes dans le monde entier et par toutes les sociétés qui ont déjà tourné le dos aux structures monarchique-autoritaires, sexistes, machistes, cléricales, gérontocratiques et non-participatives, comme sont celles qui structurent le Conclave actuel .


( Article traduit de l’espagnol par Bruno Mori) 

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