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samedi 19 mai 2018

Quelques réflexions sur le récit de l'Ascension


(Act.1,1-11 – Luc. 24, 50-52 – Mc. 16,19)


Le récit de l’ascension est une construction de l’évangéliste Luc qui, comme il a voulu illustrer d’une façon particulièrement solennelle l’entrée de Jésus en ce monde en l’entourant d’événements merveilleux d’anges, de chœurs célestes, d’astres qui s’allument et qui bougent soudainement dans le ciel, de mages mystérieux qui se prosternent devant le nouveau-né, il a voulu aussi présenter d’une façon spécialement triomphale (surtout dans le récit qu’il en fait dans les Actes des Apôtres) sa sortie de ce monde, en  s’inspirant des récits d’ascension au ciel avec lesquels les écrivains de son temps avaient illustré et célébré le départ de ce monde de certains grands personnages de l’histoire ancienne (Romulus, Héraclès, Empédocle, Alexandre le Grand, Apollonius de Tana, Hénoch, Elie…).

Ce récit n’est donc pas à prendre comme un fait réel et historique, mais uniquement comme un conte symbolique, composé par les évangélistes dans un but catéchétique : instruire les chrétiens que Jésus, malgré sa mort, continue à être présent par son esprit dans la vie et la communauté de ses disciples qui, sont appelés à en continuer l’œuvre. Ce mythe, avec sa mise en scène fantastique, au cours de laquelle Jésus donne ses ultimes consignes aux disciples avant de disparaître dans les hauteurs du ciel, cherche à impressionner les chrétiens en leur présentant un Jésus qui, revêtu du pouvoir et de la gloire de Dieu et vivant plus que jamais, est devenu désormais l’inspirateur, le souffle, l’âme, la lumière, le guide, le chemin et la vie de ceux et celles qui croient en lui.

Nous, les chrétiens critiques et éclairés des temps modernes, ne devons donc pas écarter tout de suite ce conte comme étant insignifiant, mais chercher plutôt à rentrer dans sa symbolique surannée pour essayer de découvrir quel message il pourrait bien contenir qui soit valable pour nous aujourd’hui. [i]

Je pense que récit bizarre pourrait, par exemple, nous faire réaliser, nous les gens terre à terre du positivisme, du matérialisme, de l’objectivité, du concret, du palpable, du vérifiable, de la productivité, du profit…, qu’il y a peut-être d’autres choses et d’autres valeurs qui pourraient et devraient aussi nous intéresser ; qu’il est possible de regarder ailleurs, plus haut; qu’il existe aussi des hauteurs (et des profondeurs) qui nous sont accessibles; qu’il existe aussi des mondes qui sont invisibles et pourtant réels ; qu’il est possible de regarder au-delà des apparences, au-delà ce que nous voyons habituellement avec nos yeux de myopes qui ne voient presque plus rien.

Ce récit est là pour nous dire qu’il est possible de regarder le monde plus à fond, et d’arriver à entrevoir le cœur des choses et des personnes, ce centre où est située leur véritable identité et la Source ultime de toutes les virtualités qui les accomplissent. Ce regard pénétrant est vraiment nécessaire pour nous, les humains, si nous voulons que se révèle à nous quelque chose du mystère divin qui est présent partout, qui pénètre notre Univers et qui porte toute chose par la force de son attraction et de son amour.

Sans une ouverture du cœur et de l’esprit sur cette dimension mystérieuse, profonde, sacrée et spirituelle de la Réalité; sans une prise de conscience des forces divines qui la traversent et qui l’habitent, les humains risquent de s’établir, d’un côté, dans une attitude de domination, de confrontation et d’exploitation insensible, arrogante et égoïste du monde et de la nature et, de l’autre côté, dans la banalisation, l’insignifiance et même la déshumanisation de leur existence.

Si nous possédons l’esprit de Jésus, nous devenons capables de comprendre que tout a un sens; que le silence possède une Parole; que l’obscurité est traversée par une lumière et que les profondeurs aussi doivent être atteintes pour gagner les hauteurs et ainsi rencontrer le mystère de la présence de Dieu.

La foi que Jésus nous a laissée en la présence de l’esprit divin dans notre monde, est le seul moyen que nous avons d’échapper à la désespérance et pour nous convaincre que nous n’avons pas le droit de baisser les bras, mais que, tous ensemble, nous avons la possibilité d’affronter et de lutter contre les forces de l’égoïsme et du mal et de bâtir un monde plus juste, plus fraternel, plus humain et plus beau.

 Ce conte symbolique de l’Ascension qui introduit Jésus, l’homme moulé par l’Esprit de l’Amour, dans les hauteurs profondes de notre Univers, imprégné et animé par la présence de l’Esprit de Dieu, n’est rien d’autre qu’une parabole qui cherche à faire comprendre que la flamme de l’Amour brille constamment dans les profondeurs de notre monde, même au cœur de nos nuits les plus noires, qu’elle ne demande qu'à nous éclairer et à nous guider vers l’accomplissement de notre être et la réussite de notre bonheur.



Bruno Mori - Montréal, mai 2108






[i] Le récit de l’Ascension originairement se trouvait seulement dans les écrits de Luc. Matthieu et Jean n’en parlent pas. Dans Marc, la courte allusion à l’Ascension de Jésus a été placée dans le dernier chapitre (16e) de son évangile . Ce chapitre est une appendice ajoutée postérieurement (au début du IIe siècle) par un auteur inconnu qui a voulu résumer maladroitement certains événements de la fin de la vie de Jésus racontés par Mathieu et Luc et qui manquaient dans l’évangile originaire de Marc.


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