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samedi 5 avril 2014

LE RICHE ET LE PAUVRE

Le riche qui n’a pas de nom
(Luc 16)


Venons-en à l'histoire du riche et du pauvre Lazare : le riche, finalement, nous ne savons pas grand chose de lui; il n'est pas dit qu'il soit spécialement méchant, au contraire, puisqu'il pensera même plus tard à sauver ses frères de l'enfer. Simplement, il est dans son monde, dans son confort, dans sa tour d'ivoire. Il n’a pas de nom. Il est identifié seulement par ses avoir : il est celui qui porte des vêtements de luxe et qui fait des festins somptueux. C’est  un être sans visage et donc sans relations, car cesont nos relations qui nous identifient en tant que personne. Pour lui les autres n‘existent pas. Il ne les voit pas. Il est tellement  tourné et fermé sur lui-même qu'il ne voit même pas, à travers son portail, le mendiant qui crève de faim à sa porte. Il est totalement  aveuglé par la splendeur de sa richesse et rendu indifférent et insensible à la misère du monde.  

Le mendiant, lui, a un nom « Lazare » qui veut dire « Dieu aide » et cela, déjà, est tout un programme: Dieu l'aide, non parce qu'il est vertueux, on n'en sait rien, mais parce qu'il est pauvre, tout simplement. Voilà peut-être la première surprise que Jésus fait à ses auditeurs en leur racontant cette parabole : car, en fait, cette histoire, ils la connaissaient déjà, c'était un conte bien connu, qui venait d'Égypte ; les deux personnages étaient un riche plein de péchés et un pauvre plein de vertus : arrivés dans l'au-delà, les deux passaient sur la balance: et on pesait leurs bonnes et leurs mauvaises actions. Et au fond la petite histoire ne dérangeait personne : les bons, qu'ils soient riches ou pauvres, étaient récompensés... les méchants, riches ou pauvres, étaient punis. Tout était dans l'ordre.

Jésus bouscule un peu cette logique : il ne calcule pas les mérites et les bonnes actions ; car, encore une fois, il n'est dit nulle part que Lazare soit vertueux et le riche mauvais ; Jésus constate seulement que le riche est resté riche sa vie durant, pendant que le pauvre restait pauvre, à sa porte: c'est dire l'abîme d'indifférence, ou d'aveuglement si vous préférez, qui s'est creusé entre le riche et le pauvre, simplement parce que le riche n'a jamais entrouvert son portail au pauvre. Jésus condamne donc ici, non pas la richesse, mais l’indifférence, l’insensibilité,  l’égoïsme, le manque de partage…  « Tu possédais  et tu as tout gardé pour toi;  tu savais que quelqu’un quémandait à ta porte et tu as fait semblant de ne pas le voir…Voilà la faute, le péché, le drame!!! Voilà  condamné,  une fois  pour toutes, notre capitalisme sauvage, la loi du profit à tout prix et à n’importe quel prix, de la consommation indiscriminée et effrénée qui caractérise la politique commerciale et l’économie de notre société moderne. Voilà la cause des disparités flagrantes et généralisées qui existent dans notre monde où une petite minorité de riches, constituée des multi-nationales, des puissances financières, contrôlent, et exploitent les 3/4 des ressources et des richesses de la planète, laissant le reste de la population mondiale dans un état de pauvreté et de détresse chroniques.

Jésus nous enseigne ici  ce que les sciences de la terre et de la vie sur la planète nous disent depuis toujours : la loi fondamentale de l'univers n'est pas la concurrence, l’accaparement, le tout pour soi et tant pis pour les autres; ce n’est pas se hausser, grandir, s’enrichir sur le dos des autres, mais la coopération, le partage, chercher la participation du plus grand nombre, la sollicitude et le souci pour tout ce qui nous entoure… Car ceux-ci sont les comportements qui produisent l’enrichissement véritable, en plus d’être justes, universels et équitables. Toutes les énergies du monde, tous les êtres vivants, des bactéries aux êtres les plus complexes, tous sont interdépendants et ne vivent que parce qu’ils échangent et partagent. Un réseau de connexions et de liens nous relient de tous côtés, et fait de tout ce qui existe sur cette planète des êtres coopératifs et solidaires

 C’est grâce à ces connexions et à cette interdépendance de tous les êtres de la nature (l’équilibre des écosystèmes) que l’humanité a pu vivre jusqu'à maintenant et c’est seulement si elle est capable des maintenir ces connexions  qu’elle pourra  espérer  avoir encore un avenir. 

A la place des échanges et du commerce compétitif dans lequel un seul gagne au détriment de tous les autres, nous devons promouvoir des échange et un marché de complémentarité et de coopération et, pourquoi pas, de solidarité et d’aide. Pour vivre humainement nous avons inventé l’économie, la politique, la culture, l’étique et la religion. Mais nous avons corrompu et déformé ces réalités « sacrées » en les empoisonnant avec le virus de la compétition farouche, de l’individualisme, avec une idéologie du capital, du profit et de la consommation qui épuisent notre planète, créent une pauvreté toujours plus grande et mènent  inévitablement l’humanité à sa perte ( L. Boff).


On l'aura remarqué : Abraham est cité sept fois dans cette page ; c'est donc sûrement une clé du texte. Au fond, la question de Jésus c'est « qui est vraiment fils d'Abraham ? » et sa réponse : si vous n'écoutez pas la Loi et les Prophètes, si vous êtes indifférents à la souffrance de vos frères, vous n'êtes pas les fils d'Abraham. Jésus va encore plus loin: le pauvre aurait bien voulu manger les miettes du riche, mais c'étaient plutôt les chiens qui venaient lécher ses plaies ; or les chiens étaient des animaux impurs... ce qui fait que même si le riche pieux s'était donné la peine d'ouvrir son portail, il aurait été choqué de toute façon et il aurait fui cet homme impur léché par les chiens... La leçon de Jésus, là encore, c'est: vous attachez de l'importance aux mérites, vous veillez à rester purs, vous êtes fiers d'être les descendants d'Abraham... mais vous oubliez l'essentiel.  Cet essentiel est dit dans la loi et les prophètes ; et là, nous n'avons que l'embarras du choix, dans le livre d'Isaïe par exemple : « Les pauvres sans abri, tu les hébergeras, si tu vois quelqu'un nu, tu le couvriras, devant celui qui est ta propre chair, tu ne te déroberas pas... Si tu cèdes à l'affamé ta propre bouchée, si tu rassasies le gosier de l'humilié, ta lumière se lèvera dans les ténèbres... » (Isaïe 58, 7-8). 
Pas besoin de signes extraordinaires pour nous convertir : nous avons la Loi, les Prophètes, les Évangiles : à nous de les écouter et d'en vivre ! 

BM

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