Au cours de la
dernière cène, ce qui est digne de commémoration ce n’est pas tellement
l’action matérielle de Jésus qui distribue du pain et du vin, mais le sens
qu’il a attaché à ce geste, car ce sens nous concerne au plus haut point. Jésus
a vu dans le pain et le vin l’image de lui-même: «Comme ce pain est là pour être
brisé, donné, distribué, partagé et mangé, de la même façon moi, pour mes
disciples, je me brise et je suis là pour être donné distribué, partagé et
mangé». Par ce geste Jésus veut manifester son désir d’être pain et nourriture
pour ceux et celles qui croient en lui. Il veut qu’ils soient pour toujours
remplis de lui. Il désire qu’ils assimilent, qu’ils incorporent à leur
existence son projet, son enseignement, les valeurs qu’il propose afin que
toute la communauté de ses disciples devienne un seul esprit, un seul être, un
seul corps, un seul pain grâce à lui.
Pour mieux exprimer ce désir de communion et d’unité avec ses disciples,
l’évangéliste Jean, au chapitre quinze de son évangile, mettra sur la bouche de
Jésus l’image de la vigne et du sarment: «Demeurez en moi, comme moi je demeure
en vous. De même que le sarment, s’il ne reste pas attaché à la vigne, ne peut
de lui-même porter de fruit, de même vous non plus, si vous ne demeurez pas en
moi. Je suis la vigne, vous êtes les sarments…».
Et lorsque la
communauté de disciples de Jésus se réunit comme communauté croyante (comme elle
le fait tous les dimanches) et qu’elle veut manifester, par une gestuelle
symbolique, qu’elle est une assemblée qui se nourrit de la parole et de l’esprit
de son Maitre, c’est encore en recourant au signe du pain posé sur la table du
repas quotidien, qu’elle trouve la meilleure façon d’exprimer cela. Le pain que
la communauté des disciples de Jésus dépose sur la table de l’autel lorsqu’elle
se réunit est donc là pour signifier que pour elle Jésus est encore et toujours
la meilleure nourriture qui donne force
et énergie à son existence; que Jésus continue d’être pour elle ce «pain de
vie» qu’il faut manger pour rester en bonne santé et se garder en vie. Le pain
de leurs «Eucharisties» est vraiment pour les chrétiens le «sacrement», c'est-à-dire le signe visible
et tangible de ce Jésus qu’ils doivent assimiler, faire passer dans leur vie, pour qu’elle
soit transformée et changée.
Or ce Jésus que
le disciple doit «manger» et faire entrer
dans sa vie, a été quelqu'un qui a vécu pour les autres et qui s’est mis aux services
des autres, spécialement des plus pauvres, des plus démunies, des plus
abandonnés et délaissés par la société. Il a été quelqu’un qui a aidé les gens à
sortir de leurs peurs, de leurs égoïsmes, de leurs avidités, de leurs repliements et enfermements.
Il a soulagé les souffrances du corps
mais surtout celles de l’âme et de
l’esprit. Il aidé les gens à se mettre débout,
à rependre confiance et à se réconcilier avec Dieu, la vie et les
autres. Il a accueilli et aimé tous sans distinctions et sans faire de différences.
Il a vraiment été un bon pain donné, distribué, partagé et mangé par tous et
pour le bonheur de tous. Tous ont profité de la bonne saveur de sa présence.
Tous ceux et celles qui se sont «nourris» de lui, sont repartis dans la vie
avec un nouveau souffle et des nouvelles énergies. Jésus a vraiment été au
service de tous. C’est pour cela que l’évangéliste Jean, lorsqu’il a relaté les
événements de la dernière cène, au lieu de nous transmettre, comme les trois
autres évangélistes, le récit de Jésus qui se présente comme pain donné, a préféré
y insérer à la place le récit du lavement des pieds. Par cette narration il a
voulu mettre en évidence l’attitude du
service qui a caractérisé toute la vie du Seigneur, afin que les disciples s’en
inspirent et la reproduisent dans leur existence.
C’est finalement
toujours le même thème du don de Jésus aux autres dont il est question dans ce texte
de la dernière cène, mais présenté tantôt comme le pain
qui se donne et se partage et tantôt comme le serviteur qui se dépense et se
sacrifie pour le bien-être des autres. Le récit de Jésus qui se met à genou et qui
assume la position de l’esclave qui lave les pieds des convives est donc là
pour faire comprendre aux chrétiens que seulement le don de soi et le service
des autres sont les attitudes qui doivent désormais les distinguer. Seulement si
le chrétien est capable de don et de service, il pourra dire qu'il se nourrit de
Jésus et qu'il communie à son esprit. Sans cette attitude rendue réelle et
opérative dans la vie du disciple, ses eucharisties du dimanche et ses communions ne sont que des gestes faux
et vides de sens.
Ce que nous
faisons ce soir, n’est pas différent de ce qui c’est passé à la dernière cène.
Nous posons exactement les mêmes gestes symboliques que Jésus a posés et qui
transmettent le même message que le Maitre transmettait à ses disciples. C’est à
nous maintenant d’en comprendre le message, d’en cueillir le sens et de le
faire passer dans notre vie. Nous sommes ici pour cela: nous nourrir de lui,
afin de devenir comme lui serviteurs de nos frères.
BM
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