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dimanche 4 août 2013

Le Dieu argent

L’ARGENT QUI NOUS PERDRA

(Luc 12,13-21  - 18e dim. ord. C )

            C’est un fait que, dans notre société capitaliste, l’argent est tout. Il est l’unique mètre sur lequel on mesure le calibre et l’importance d’une personne. Si tu as de l’argent tu es quelqu’un, si tu n’as pas d’argent, tu n’es personne. Il est le but ultime de toute activité, la valeur absolue pour laquelle on est prêt à sacrifier toutes les autres valeurs qui deviennent secondaires et sans véritable importance: la justice, l’équité, le bien commun, la considération des autres, le respect envers la nature, les écosystèmes, les ressources naturelles de la planète. Il n’y a plus rien aujourd’hui qui échappe à la logique farouche des lois du marché, gérées par un système capitaliste conçu pour assouvir l’avidité et la cupidité humaine, pour enrichir quelques surpuissants et laisser dans la misère le reste du genre humain. Dans ce système capitaliste, tout devient monnayable, négociable, exploitable.  Ainsi, les êtres de notre monde perdent leur identité, leur nature, leurs caractéristiques, leur beauté, leur poésie, leur âme.  Ils ne sont que marchandise ou objet, article, denrée dont l’unique valeur est monétaire ou, au mieux objet d’investigation  dans le but de produire encore plus d’argent.  Le bœuf, le veau, la génisse, le cochon, le mouton, le poulet ne sont que viande à consommer: ils sont côtelette, filets mignon, faux-filet, ti-bone, beefsteak, surlonge, bavette, jambon, cuisse, poitrine…les forêts, que du bois à construction; la mer et les fonds marins, que du poisson à extraire, que des gisements de gaz et de pétrole à exploiter…  Ici, fini le sentiment, la sensibilité, la compréhension symbolique ou une certaine vision idyllique et poétique de la réalité qui humanisent le regard et donnent la possibilité de regarder les choses autrement et d’y découvrir la présence d’un esprit. Un grain de sable, une fleur, une goutte de rosée au matin, un papillon, une libellule, ne sont pas simplement  des « choses ». Ils sont de merveilleux miracles qui devraient nous remplir de commotion et d’émerveillement.

            Cette mentalité capitaliste uniquement basée sur l’argent et le profit risque de nous déshumaniser et de nous abrutir au point de nous vider de notre âme.  En effet elle nous fait perdre le sens du surnaturel, du magique, du sacré, du merveilleux qui est à l’origine de l’émerveillement, du ravissement, du respect que les hommes primitifs ressentaient et ressentent devant la nature et pour qui tous les êtres (animaux, arbres, plantes, fleuves, sources, rivières, roches, montagnes…) sont porteurs d’un mystère; sont caractérisés par une identité unique; possèdent une âme, sont animés par un esprit qu’il faut reconnaitre, invoquer, apprivoiser, tout étant expression d’une Puissance qui nous dépasse et manifestation d’un Grand Esprit qui finalement anime et donne vie à tout ce qui existe.

            Nous sommes devenus rationnels, cartésiens; nous sommes les fils du progrès scientifique, de la technique; nous vivons à l’ère de la physique quantique, de la biotechnologie, de la nanotechnologie, de l’informatique, des découvertes astronomiques, des vols spatiaux. Nous nous vantons d’avoir définitivement abandonné la vision animiste ou sacrée du monde, vision que nous qualifions de mythique et d’archaïque. Nous nous vantons aussi de n’avoir plus besoin, comme dans le passé, de recourir à l’hypothèse de l’existence de Dieu pour expliquer le monde et ses phénomènes. Contrairement aux anciens, nous ne voyons plus Dieu à l’œuvre dans la nature et, pour nous, son esprit n’est plus nulle part.  Cependant, (et voici le paradoxe !), nous les modernes, les intelligents, les savants, les cultivés, les éclairés, qui refusons de voir Dieu partout, comme faisaient  nos ancêtres… nous nous sommes fabriqué notre propre Dieu, le Dieu argent, que nous voyons partout, devant lequel nous sommes en constante adoration et pour lequel nous sommes prêts à tout sacrifier, tout détruire, tout saccager, tout abîmer  tout polluer dans une folle hystérie d’accumulation d’argent qui, si elle n’est pas arrêtée, conduira l’humanité à sa disparition. Robert Muller, ce grand homme qui été  longtemps adjoint-secrétaire général aux Nations Unies avait raison de dire: « We must fear that capitalism will bring this world to an end ( Idea 1125 , 9 August 1997).

            L’évangile d’aujourd’hui nous invite, nous, les chrétiens à relativiser l’argent, à réfléchir sur les dangers qu’il comporte; à en faire un moyen et non pas une fin.  Il nous invite aussi à récupérer la vision sacrée, symbolique, poétique, spirituelle du monde que l’humanité avait à ses débuts et à traiter la nature (animée et inanimée) avec amour, respect, compassion, en comprenant que nous devons lui être solidaires, amis, car elle nous est nécessaire, car elle fait partie de nous-mêmes et nous faisons partie d’elle dans une connexion tellement profonde et essentielle que nous ne pouvons briser sans courir inévitablement vers notre perte.

            Le texte évangélique d’aujourd’hui nous dit que ce qui est «divin» n’est pas l’argent et le profit indiscriminé, qui sont proprement diaboliques car ils divisent l’humanité entre riches et pauvres et sont source d’inégalité, d’injustice, de violence,  d’exploitation, de corruption, de pollution, de destruction et de souffrances.  Par contre, l’évangile nous dit que ce qui est divin, c’est le cœur de l’homme lorsqu’il est guéri et transformé par l’amour qui éclaire son regard et le rend apte à percevoir la beauté et le miracle de ce monde qui déploie de partout les signes et les traces de la présence de l’Esprit de Dieu.


BM


God made only one mistake when he created the Earth: it was to create man. Of course he had an excuse, it was the last day of his hard labour to create a miraculous, incredibly beautiful paradise Earth and He was tired (cité par Robert Muller).
I cannot understand why love is not inundating our Earth. Why must it be business, money, 'freedom of enterprise', more and more merchandises and 'goods', running around the world and endless activities and agitations? How about love for our beautiful Earth and her nature, love for peace and tranquillity, love for our neighbours and our environment, love for the depth and genial meaning of our individual, miraculous human life? (Robert Muller, Idea 4930)



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