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vendredi 23 août 2013

Attente



DES ATTENTES QUI NOUS DÉFONT ET DES ATTENTES QUI NOUS REFONT
(Luc 12,32-48)

            Le christianisme des débuts a été fondamentalement une communauté de disciples qui se distinguait par l’attente de la venue du Seigneur. Les premiers chrétiens attendaient non seulement que le Seigneur fasse irruption dans leur vie afin que celle-ci soit transformée grâce à l’action de son Esprit, mais ils attendaient aussi une fin imminente du monde, déclenchée par une deuxième venue du Seigneur ressuscité qui, investi de la puissance divine, aurait inauguré une nouvelle ère de l’histoire du monde où finalement l’amour régnerait en maitre dans le cœur des hommes et Dieu serait tout en tous. Ils ont évidement été déçus dans cette attente. Le monde a continué comme il était; il ne tire pas encore à sa fin et Jésus n’est pas revenu en triomphateur, comme on espérait.

            Il reste cependant que le chrétien est une personne qui fait de l’attente une disposition intérieure permanente. Cela lui vient de sa spiritualité et, disons, de sa «religion». Psychologiquement et existentiellement on doit cependant  dire que l’attente est la posture intérieure qui  nous garde vivants. C’est un fait que nous cessons de vivre lorsque nous cessons d’attendre. La vie n’est plus une vie et ne mérite plus d’être vécue si on n’attend plus rien d’elle. Si cette flamme de l’attente s’éteint en nous; si la lampe de l’espoir n’est plus allumée, nous sombrons inévitablement dans la noirceur de la dépression, de l‘angoisse et du désespoir. Le Nazaréen  avait donc raison de dire : «Gardez cette lumière toujours allumée! »

            Je pense que c’est pour cela que Jésus, qui s‘est donné comme mission d’aider les gens à vivre pleinement, cherche continuellement à inculquer la disposition de l’attente. Son disciple n’est jamais quelqu’un qui s’établit satisfait sur ses acquis, mais quelqu’un qui regarde toujours en avant et qui attend que quelque chose de nouveau se passe dans sa vie pour améliorer son existence. Le disciple du Prophète de Nazareth est donc essentiellement une personne qui est ouverte à l’avenir, qui refuse de se figer, de penser que tout a déjà été fait ou dit et que, fondamentalement, plus rien de nouveau se passera dans sa vie et sous le ciel, comme l’affirmait, d’une façon désenchantée et pessimiste, l’auteur du livre de l’Ecclésiaste.

            Évidemment la qualité de notre attente et, par conséquent, la qualité de notre vie, dépendent de la qualité et de la valeur de ce que nous attendons. Car, ici encore, il y des attentes qui nous fatiguent et nous démolissent; d’autres qui nous permettent, tant bien que mal, de passer à travers la banalité de notre vie et de survivre à la monotonie du quotidien; et, finalement, il y a  des attentes qui donnent des ailes à notre existence, qui  lui donnent du souffle,qui  l’élèvent, qui la font grandir et  la comblent de joie et de bonheur. Ainsi, il y-t-il  a les attentes longues, douloureuses, épuisantes à l’urgence de l’hôpital, à la clinique, chez le dentiste, au guichet des fonctionnaires de l’État, à l’autobus, aux caisse du supermarché; l’attente anxieuse de la fin d’une journée de travail... Il y des attentes un peu plus agréables qui parsèment notre vécu quotidien: la perspective d’un avancement ou d’une promotion, d’une fête, d’un bon repas au restaurant, d’un spectacle ou d’un concert, la visite d’une personne qui nous est chère, d’un voyage, des vacances, etc., toutes choses qui mettent du piquant et du zest dans notre vie. Et il y a enfin l’attente (d’événements, de rencontres) dans laquelle nous mettons un tel désir, un tel empressement, une telle ardeur, une telle trépidation, une telle force, une telle exaltation… que nous en sortons bouleversés et transformés de fond en comble. Les mamans et les papas qui ont attendu leur premier enfant comprennent très bien de quel genre d’attente je parle. Ceux et celles de vous qui un jour sont tombés en amour, peuvent se rappeler la sensation d’anticipation exaltante, presque suffocante et la trépidation qu’ils ressentent lorsque s’approche la rencontre avec la personne chérie de laquelle ils ont été longtemps séparés. Il y des attentes tellement brûlantes qu’elles purifient les scories que nous avons pu accumuler, afin que l’or de notre cœur puisse être offert en toute sa brillance. C‘est de ces attentes là dont Jésus nous parle dans son évangile.

            La parole de Jésus nous aide à discerner la nature et la qualité de nos attentes. Il nous dit: « Soyez comme des gens qui attendent leur maitre à son retour des noces pour lui ouvrir dès qu’il arrivera et frappera à la porte». Remarquez que dans l’évangile le maitre ne retourne pas d’un voyage, ou d’un travail, ou d’une besogne, ou d’une mission. Non! Il retourne des noces. Il est donc quelqu’un qui a expérimenté l’amour; qui connait l’amour; qui sait aimer; qui est rempli d‘amour. Il est essentiellement quelqu’un qui aime. Il signifie et symbolise donc l’amour qui doit entrer dans notre vie; l’amour que nous devons attendre dans notre vie. Le maitre qui retourne des noces c’est l’attitude amoureuse qui doit caractériser et dominer notre quotidien… en maitre. Jésus nous dit qu’avec l’amour on doit conclure des noces. Et lui ouvrir immédiatement la porte de notre cœur lorsqu’il cherche à y entrer. Car nous sommes faits pour l’amour; nous sommes faits pour aimer et nous ne sommes plus des humains lorsque l’amour n’est plus le maitre de notre vie. Nous avons, en effet, le terrible pouvoir de lui  fermer la porte et de ne vivre dans notre propre maison qu'entourés d’insensibilité et d'indifférence, exclusivement fermés sur le petit monde bien confortable et sécuritairequi nous entoure . C’est seulement la découverte de l’Amour qui est capable de nous déposséder de nous-mêmes et de nous lancer dans les bras de l’autre, en nous mettant à son service. Amour et service sont les deux mots et les deux attitudes clefs de tout l’enseignement de Jésus  qui doivent éclairer et embraser notre vie: « Restez en tenue de service et gardez ces lampes allumées …».

             Être chrétien signifie être en attente de l’irruption de l’amour dans notre vie;  avoir relativisé l’importance des autres valeurs matérielles (comme le pouvoir, le prestige,  l’argent…) à un  point tel que nous sommes devenus sensibles uniquement aux valeurs et aux forces qui nous bâtissent intérieurement et qui élèvent notre âme. Dans une vie de disciples, la grâce la plus magnifique qui puisse nous arriver consiste à réaliser et à comprendre la puissance innovatrice et transformatrice de cette révélation qui nous vient du message du Nazaréen: il y a une Puissance d’Amour qui soutient l’Univers et nous attendons qu’un jour elle puisse trouver un chemin  jusqu’à la porte de notre cœur.

MB

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