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dimanche 16 juin 2013

LA PROSTITUÉE QUE JÉSUS A AIMÉ

LA PROSTITUÉE QUE JÉSUS AIMAIT  OU L’AMOUR QUI SAUVE

Cet épisode de l’évangile de Luc (7,36-50) est sans doute un des plus émouvants et des plus révolutionnaires de la littérature du NT. Il nous parle de femmes, de passion, de gestes de tendresse, d’accueil inconditionnel, de tolérance, d’acceptation des différences, de personnes qui ne vivent pas selon les normes, qui ne sont pas conformes à la loi, qui transgressent les convenances et qui pourtant ne sont pas jugées, ne sont pas condamnées, sont acceptées, sont pardonnées. Il nous fait entrevoir en chacun une bonté, une beauté, une grâce et une grandeur qui se cachent derrières les souillures et les laideurs que nous voyons dans les autres mais qui sont imaginées par nos préjugés, fabriquées par nos jugements haineux, par le sentiment de notre propre droiture et de notre propre intégrité. Ce texte nous parle d’amour qui fait grandir, qui fait vivre, qui rachète malgré tout et toujours. Il nous parle de la tendresse d’un contact qui ne contamine pas, mais qui au contraire purifie; d’une gratitude que la faute, l’erreur ou la transgression ne doivent jamais faire mourir; d’une espérance de justification et de salut qui n’est jamais refusée à personne et surtout pas à ceux et celles qui ont été capables d’aimer. Ce texte d’évangile nous parle d’une religion qui ne condamne pas, qui n’exclut pas, mais qui inclut, accepte, embrasse, aime, ouvre la porte à tous les maganés de la vie qui viennent frapper à sa porte. Ce texte est là pour nous faire voir comment doit ou devrait se comporter une personne qui a épousé les principes et l’esprit du prophète de Nazareth.

Simon, le pharisien, représente nous tous, nous, gens bien religieux, bien pratiquants, bien rangés, bien conformes, bien honnêtes, bien irréprochables, au moins extérieurement. Il représente un certain type de société bourgeoise qui a la hantise de  bien paraître, non pas parce qu’elle a à cœur  l’intégrité, mais parce que elle a une image à sauvegarder. Il représente aussi la posture de la religion établie, de l’institution ecclésiastique, de l’autorité cléricale, qui ont  l’assurance et le cran qui leur viennent de leurs dogmes, leurs lois, de leurs règlements, d’un droit canon, du guide d’un magistère infaillible qui sait ce qu’il faut faire pour plaire à Dieu, pour faire sa volonté; qui sait la différences entre le bien et le mal, entre le juste et le pécheur; qui connait ce qui est vrai et ce qui est faux; qui se croit du coté de Dieu; qui pense recevoir de Dieu une assistance spéciale pour dicter aux humaines le chemin vers le bien et leur salut.

À la table de ce pharisien, comme à la table de notre maison ou à celle de nos eucharisties dominicales, tous ne sont pas admis. Il y une ségrégation; il s’est établi une sélection: seuls les conformes ont le droit de s’y asseoir. On refuse les autres. Aujourd’hui ces autres s’appellent: les prêtres qui ont quitté, les divorcés remariés, les homosexuels, les femmes qui ont avorté et le personnel médical qui les a assistées… On a oublié que dans l’évangile il est dit qu’au  banquet de Dieu tous sont invités et que même et surtout les blessés et les estropiés de la vie qui se trouvent loin, dehors, dans la rue, sont instamment sollicités à prendre part au repas, afin que la salle du banquet soit pleine. (Mt.22,1-10; Luc 14,15-24)

Ici dans le récit évangélique d’aujourd’hui c’est la prostituée que l’on voudrait  jeter dehors. Ces gens religieux, pieux et observants pensent qu’elle n’a rien à faire parmi eux. Ce n’est pas sa place ici, dans cette réunion de gens honorables. Sa présence n’est pas seulement importune, déplacée, mais elle perturbe, contrarie, dérange. Elle empeste l’atmosphère satisfaite de ce repas bourgeois. C’est une personne à éviter, au moins publiquement, car elle incarne la luxure, donc le mal, le péché et sa proximité risque de contaminer leur pensées et de tâcher leur bonne réputation. Une personne religieuse, une personne qui va à la synagogue, à l’église, qui a la crainte de Dieu, est obligée de réprouver et à d’avoir en horreur une femme de ce genre, C’est une question de décence, c’est une question de principe, c‘est une question de morale !

Ici, personne ne cherche à comprendre les raisons, les circonstances, les contraintes existentielles, les conditionnements, la détresse qui ont déterminé les choix de cette femme et la condition dans laquelle elle se trouve. Ces gens ont tellement de préjugés sur les femmes; sont tellement endoctrinés par leurs croyances; ont tellement assimilés les impératif de leur morale; sont tellement conditionnés par leur conviction d’être dans la vérité et dans le droit chemin, qu’ils n’arrivent même plus à comprendre une chose pourtant très évidente: qu’une femme ne se prostitue jamais par plaisir, mais seulement par force ou par nécessité et que cela constitue toujours un drame et une brisure épouvantable dans sa vie et que donc sa responsabilité et, par conséquent, sa faute et son péché, sont inexistants aux yeux de Dieu.

C’est cela que Jésus veut faire comprendre à Simon. Par son attitude, il se situe donc aux antipodes du comportement de ceux qui l’entourent et l’évangile le présente comme le modèle de compréhension, d’acceptation, de tolérance, de bienveillance et de pardon, afin que ses disciples soient capables de faire de même.

Il y a aussi autres chose. Je pense que cette prostituée, habituée à vivre entourée de dédain, de sarcasmes, de vulgarités, de propos obscènes, d’insinuations lubriques, est la seule personne, dans l’évangile, qui a pu deviner, sentir, percevoir la beauté intérieure de Jésus et être certaine qu’elle pouvait l’approcher en toute confiance sans qu’il ne suspecte rien d’équivoque ni d’ambigu en elle et dans son comportement. Cette femme, dans son abjection, a eu la claire intuition de la qualité d‘âme de Jésus et elle a tout de suite compris qu’elle pouvait aller à lui avec la certitude qu’il l’aurait accueillie sans arrière pensées et qu’il aurait sympathisé avec elle, qu’il aurait vue en elle la femme amoureuse et repentante plutôt que la pécheresse dévoyée. Et de fait, Jésus se laisse faire et se laisse aimer.

Quelle leçon, mes chers amis, nous donne ici le Seigneur! Il fait vraiment l’apologie de l’amour. Il nous dit que seulement celui qui, comme lui, ne craint pas de familiariser avec le marginal et  le reprouvé et de se faire toucher par l’amour, seulement une telle personne est capable de devenir tolérante, accommodante, respectueuse compréhensive, au-delà et malgré toutes les différences. Lorsque nous repoussons, lorsque nous excluons, lorsque nous séparons, nous devenons des agents de ruptures, de divisions et de discriminations, au lieu  de créer harmonie, communion, unité, fraternité, comme le veut l’évangile de Jésus. Et cette femme qui aime, dans son péché, nous dit Jésus, est plus proche de Dieu, est plus conforme au plan de Dieu qui est amour, que tous ces gens religieux, mais qui, à cause de leur «sainteté», se «séparent» des autres et les refusent à leur table. Paradoxalement, la religion fait de ces gens des êtres «diaboliques», car ils font l’œuvre du «diabolos», du diable, qui dans la Bible est celui qui sépare, éloigne et divise. Trop de religion, finalement, déshumanise et nous perd.  

Ce texte vaut nous faire comprendre que pour Jésus l’amour même imparfait, même fautif, même non conforme, est plus apte à bâtir une meilleure humanité qu’une religion de rigoristes, d’intransigeants et de purs.



MB


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