L’homme qui jeta son manteau
Cette
anecdote dans la vie de Jésus a une évidente valeur symbolique. L’évangéliste
Marc le raconte pour les chrétiens de son temps dans un but éminemment catéchétique.
Il veut leur transmettre un enseignement, un sujet de réflexion, les raffermir
dans leur foi. Globalement le message qu’il veut communiquer est le suivant :
sans la foi en Dieu, c'est-à-dire, sans un rapport de confiance et d’amour avec
Dieu, loin de Dieu et de celui qui le manifeste et l’incarne dans notre monde
(Jésus), nous sommes tous dans la situation de Bartimée: des pauvres malheureux, qui
mendient leur bonheur au bord de la route, au marge de l’existence sans jamais
le trouver vraiment. Sans la foi, nous sommes des aveugles qui avancent à tâtons dans la vie, sans connaître, ni voir la route qui nous conduit à destination ou
à notre véritable bonheur. Sans la foi, nous perdons la claire vision de ce qui
nous convient, la juste perception des valeurs, l’intelligence du sens de notre
vie et du contenu de notre destin. Sans la foi, nous sommes condamnés à rester
des éternels infirmes, plantés au bord de la route, incapables d’avancer. Sans
la foi, nous risquons de vivre dans l’angoisse et la pauvreté la plus noire; de
chercher désespérément notre bonheur, sans rencontrer personne capable de nous le
donner.
Sans
la foi, l’homme ne possède ni Dieu, ni soi-même, puisqu’il ne sait pas où
diriger sa vie et quoi faire pour qu’elle vaille la peine d’être vécue. Ce qui
revient à dire qu’il ne possède rien de véritablement valable. Tout ce qu’il possède
c’est son manteau, c'est-à-dire ses biens matériels, desquels il s’entoure, dans
lesquels il s’abrite et sous lesquels il cache son insatisfaction, son angoisse
et sa nudité dans l’espoir de retrouver une certaine sensation de chaleur, de
bonheur, de protection et de sécurité. Ce manteau lui permet d’occulter sa misère
intérieure et de bien paraître devant les autres. Il est le symbole de tout ce
dont nous nous habillons pour donner une apparence de valeur, d’éclat et de
dignité à notre existence: l’argent, le pouvoir, le prestige, le succès, la
moto, le bateau, la grosse voiture, la grande maison …etc.
L’évangile
nous présente Bartimée arrêté sur le bord de la route, aveuglé, avec son manteau
bien serré contre soi ….. et qui crie !!! Il crie sans savoir pourquoi, sans
pouvoir s’arrêter! Mais pourquoi crie-t-il autant ? Il crie parce qu’il n’en
peut plus. Il crie parce qu’il a mal en dedans; parce qu’il n’est pas bien dans
sa peau. Il crie à cause de son insatisfaction, de sa frustration, de sa vie plate,
matérialiste, sans souffle, bornée, sans horizons. Il crie parce qu’il a envie
d’expérimenter autre chose; de parcourir d’autres routes; de diriger son regard
vers d’autres horizons. Oui ! Il veut voir différemment! Voir avec d’autres
yeux, voir d’autres paysages, fixer son regard sur d’autres valeurs que celles qu’il
serre sous son manteau …Il crie parce qu’il veut mieux voir, mieux comprendre
où se trouve sa route et le lieu de son bonheur.
Et
son cri ne reste pas sans réponse. L’évangile veut nous dire que c’est la
rencontre avec Jésus qui constitue pour l’homme le moment bienheureux qui fait basculer
sa vie vers un monde totalement nouveau. L’évangile d’aujourd’hui nous rassure
que lorsque quelqu’un crie sa détresse, cherche une issue plus épanouissante à
sa vie et qu’il a l’humilité, la sagesse et le courage de reconnaître son
incapacité à être heureux par ses propres moyens (parce qu’il n’aura jamais les
capacité de remplir tout seul les immenses aspirations de son cœur) … eh bien, si
cette personne a la grâce de rencontrer un jour dans sa vie le Prophète de Nazareth,
(qui, pour l’évangéliste Marc, est la plus magnifique et la plus complète manifestation
de la présence de Dieu dans notre monde), une chance lui sera donnée de
découvrir où se trouvent sa vraie grandeur et son authentique réalisation.
Cependant
Marc nous avertit qu’il faudra que cette personne ait, comme Bartimée, le courage
de se débarrasser de son manteau et de s’exposer toute nue devant Dieu, revêtue
seulement de foi et de confiance, pour lui demander qu’il ouvre enfin ses yeux. Le texte de l’évangile attire notre attention sur
le fait que Bartimée, dès qu’il se débarrasse de son manteau, bondit vers le
Seigneur, comme s’il venait subitement d’être libéré d’un énorme poids qui le
clouait au sol et qui l’empêchant de se lancer vers la lumière, vers
l’accomplissement de ses aspirations les plus profondes, et finalement vers la
réalisation d’une pleine existence humaine.
Ce
texte nous dit que Bartimée représente chacun de nous et que pour rencontrer le
Seigneur et voir la lumière nous devons, nous aussi, jeter nos manteaux, nous débarrasser
de nos déguisements et de nos poids; abandonner la confiance aveugle et stupide
que nous mettons dans les choses et les biens matériels dont nous nous
couvrons, dont nous nous entourons, que nous accumulons et qui finissent par
nous écraser au sol d’une vie plate, banale et sans hauteur. Ce récit évangélique
nous enseigne que nous devons avoir la simplicité de nous mettre à nu devant Dieu;
renoncer aux sécurités que nous avons tissées autour de nous. Il nous dit que nous
devons être capables de faire tomber les murs et les barrières que nous avons
érigés pour nous protéger et nous rassurer, mais qui, en réalité, nous
empêchent de voir plus loin, de marcher plus légèrement… de nous mettre en
route vers d’autres pays et d’autres rivages.
Ce texte nous
exhorte à devenir des quêteurs de lumière, des passionnés de liberté. Il nous
dit que si nous restons libres, si nous n’embarrassons pas trop notre cœur,
nous aurons peut-être un jour la chance de voir et de comprendre d’où nous vient
la vraie lumière et où nous trouverons notre véritable salut: « Aussitôt l’homme recouvra la vue et
il suivait Jésus sur la route.»
BM
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