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mardi 11 juillet 2023

 Comme des bons arbres fruitiers,

 Tous nos fruits sont pour donner  

 (Mt 10, 37-42) 


        Je tourne et tourne cet Évangile dans tous les sens : rien à faire, la sensation que j’en ai est  toujours la même: l'éloignement inouï de ce texte par rapport à notre réalité et à notre mentalité. On peut facilement placer ce texte Mattieu parmi les pages les plus difficiles à accepter et les plus exigeantes et les plus décourageantes de  l'Évangile  devant lesquelles nous nous sentons et nous nous trouvons totalement dépourvus et désemparés. Car alors que normalement et instinctivement notre principale soucis est celui de cajoler et d’aimer notre petit ou grand ego par-dessus tout, ici Jésus semble presque vouloir nous amener à réaliser que lorsqu’il s’agit d’assurer la juste et la bonne qualité de nos relations  avec le monde autour de nous, nous avons vraiment tout compris à l’envers, car ce n’est pas notre précieuse personne qui doit passer en premier, mais la personne des autres  et  celle de Dieu. Et cela va vraiment à l’opposée de tout ce que, depuis toujours,  les humains  ont l’habitude de penser et de faire.

     Je pense que lorsque nous nous confrontons aux contenus des évangiles et donc à l’enseignement  de Jésus, nous devons mettre de coté la façon de penser, de juger, d’agir et de valoriser les choses que les humains ont adopté depuis toujours comme étant la plus évidente et la plus normale. L’évangile de Jésus est, pour ainsi dire, le premier pamphlet de contestation, de critique et de révolte de l’histoire de l’humanité, car il met tout à l’envers ou certainement  en crise un grand nombre de nos idées et nos convictions reçues, ainsi qu’une grande partie des valeurs les plus prisées et les plus convoités par les humains, comme  le succès personnel au dépend des autres, le pouvoir, la richesse. la supériorité sur les autres, le prestige, etc.  : pensez au texte des Béatitudes ( Mt 5, 1-12)  et à celui cité plus haut. 

    C’est pour cela que l’Évangile dérange, perturbe, fait peur, est ardu,  est difficile à  approcher, à accepter, à avaler et à digérer … C’est pour cela que les évangiles nous plaisent si peu et que nous ne sommes  pas très portés à  en faire notre livre de chevet. C’est pour cela que son Auteur a été assassiné. C’est pour cela que depuis sa mort  et jusqu'à nos jours, la pensée du Prophète de Nazareth, ainsi que son enseignement, son esprit, sa nouveauté, son l’originalité, sa charge extraordinaire d’humanité, ont été si peu valorisés, si peu considérés, compris, intériorisés, si difficilement diffusés et acceptés et surtout  si vite altérés ou arrangés ou dilués ou oubliés ou par ceux-là mêmes et l’Institution qui auraient dû les conserver intacts, les diffuser, les proclamer et  en témoigner par leur vie et leurs œuvres 

     Cela explique aussi pourquoi l’extraordinaire nouveauté du message  d’amour , de bonté, de justice, de fraternité et d’humanité des évangiles a si peu ou presque pas  inspiré et influencé l’histoire « chrétienne »  de l’Occident (où le e mouvement chrétien s’était surtout et principalement répandu) et pourquoi  aussi  il n’a presque pas amélioré,  le long des siècles,  la qualité humaine de la vie des chrétiens d’Occident  qui, au  contraire, sont à l’origine d’une  culture et d’une civilisation et de systèmes de pouvoir les plus agressifs, les plus impérialistes, les plus colonialistes, les plus dominateurs, les plus  oppresseurs,  les plus prédateurs, les plus violents dans  l’histoire de ces deux derniers millénaires. Au point qu’aujourd’hui la presque totalité des historiens considèrent le  christianisme et donc la religion chrétienne  telle que le long de siècle elle a été absorbée, enseignée, comprise, vécue et pratiquée par les occidentaux, comme une des  pires religions du monde: comme celle qui, tout au moins, le long de son parcours historique, n'a pas empêché aux occidentaux d'être un des peuples les  plus rapaces, les plus guerriers  les  plus inhumains et le plus mortifères du   monde entier.

     Dans le texte proposé aujourd’hui à notre réflexion, comme d’ailleurs dans tout l’évangile, c’est vraiment le monde à l’envers!  Et de fait,  Jésus  semble  être  venu  pour  mettre à l’envers le  monde des hommes, ainsi que les valeurs, les  principes,  les politiques, les comportements et les priorités qui l'inspirent  et le dirigent. En effet, là où les hommes ont privilégiés  le pouvoir, l’avidité, la richesse, la supériorité, la domination, l’agressivité,  la violence,  la  haine et la vengeance …  Jésus, de son coté  et à l’opposé, a privilégié l’amour désintéressé, la bonté, la miséricorde, la douceur, la petitesse, la fraternité, l’égalité, le partage, la pauvreté, le détachement, la simplicité, la justice, , le pardon, le service…en en mot tout ce qui contribue à a construire la qualité humaine de notre existence et de notre cœur.

    Ici Jésus veut surtout nous faire comprendre que la vie  acquière tout son sens et vaut la peine d’être vécue, non pas si elle est exclusivement retenue pour bâtir notre  confort et notre  bonheur individuel, mais seulement si elle est donnée et mise au service des autres pour construire  leur  bien-être et leur bonheur : « Qui veut garder sa vie pour soi, la perdra…mais qui  la donnera par amour la gardera pour toujours… » (Mt 16,25; Mc 8, 35). À ce propos, nous devrions tous nous inspirer du comportement dans  la nature des arbres fruitiers, un figuier par exemple, qui ne produit ses délicieux fruits que pour les donner et pour  le plaisir et le bonheur de ceux qui  les mangent. Si les figues ne sont pas cueillies et données, l’arbre les perdra de toute façon, car ses fruits un jour se détacheront inévitablement de ses branches pour  pourrir au sol, gaspillées et perdues pour toujours. 

    Jésus nous avertit donc que notre vie trouvera son plein sens et sa réalisation la plus accomplie, seulement si elle aura été  une vie donnée et si son temps aura été  dépensé à aimer d’une façon tendre et désintéressé. Si cela aura été le cas, alors nous pourrons nous considérer comme des véritables enfants de Dieu qui auront été capables d’aimer avec la même qualité d’amour qui, selon Jésus, est en Dieu son Père et notre Père. Car seulement un amour qui réussit à se transformer en  « agapè », c’est-à-dire en amour   gratuit,  inconditionnel et désintéressé sera capable  de créer du vrai  bonheur et donner à notre existence une valeur d’éternité.


MB  Juin 3023     //13 dim ord A//




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