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mardi 27 février 2018

APPELÉS À NOUS TRANSFIGURER

(Marc 9, 2-10, 2e dimanche de Carême B)

Dimanche dernier, l’évangile nous présentait l'image du désert, de la solitude, de la possibilité de faire de mauvais choix, la tentation de choisir des chemins faciles, mais trompeurs. Aujourd'hui, le texte de l’évangile nous propose l'image de la lumière, de la joie, du bonheur, de la plénitude, de toucher le ciel du doigt.

La «transfiguration» consiste à voir des choses qui ne peuvent pas être vues avec les yeux de la tête, mais seulement avec les yeux du cœur. Et puisque beaucoup n'ont pas les yeux du cœur, ils sont privés de ces visionsL’évangile de ce dimanche veut répondre à la question de savoir ce qui nous rend vraiment heureux dans la vie. Il tente de décrire à quoi nous ressemblons, lorsque nous nous sentons au paradis, c'est-à-dire, remplis de bonheur, habités par la présence envoûtante et gratifiante d’un grand amour.

Si vous êtes déjà tombé amoureux, si vous avez déjà perdu la tête et fait des choses folles pour quelqu'un, si vous avez déjà vu le monde comme un paradis et un immense jardin de fleurs parce que quelqu'un, un jour, vous a dit qu'il vous aimait, alors vous pouvez comprendre l'évangile d'aujourd'hui. C’est l’évangile de l’amour qui transforme et transfigure.

 Avez-vous déjà vu les yeux d'une maman quand elle voit pour la première fois son enfant, après le travail et la douleur de l’accouchement? Avez-vous déjà vu l’expression d'un petit enfant bercé dans les bras de sa mère? Avez-vous déjà remarqué les visages radieux de deux amoureux qui se regardent avec ravissement dans les yeux ? Avez-vous déjà vu la beauté extatique des amants après les jeux et les ardeurs de l'amour ? N’est-ce pas là des visages transfigurés, lumineux, enveloppés de charme et de grâce, pétillants de bonheur, de béatitude, brûlants de vie et de désir de vivre?

Dans notre monde rationnel, scientifique et machiste, il existe des gens qui pensent qu'être des personnes sensibles, qui se laissent conduire par les sentiments, par leur cœur, est un signe d’imperfection et de faiblesse. Mais c’est plutôt le contraire qui est vrai.

La sensibilité est le signe d’une plus grande perfection de l’être. Demandez à n’importe quel chauffeur de voiture quel est le moteur qu’il préfère : sensible ou engourdi? Pour un humain, être sensible signifie être plus vivant, plus captivant, plus attachant, plus performant, car plus prêt et plus apte à réagir, à s’activer, à entrer en mouvement, en motion (e-motion) sur la route de la vie, en présence du monde et des personnes qui l’entourent.

 Être sensible signifie être plus disposé à vibrer en harmonie avec la beauté du monde, mais surtout avec la situation existentielle des personnes ; à se laisser affecter autant par leurs joies que par pour leurs peines ; autant par leur bonheur que par leurs malheurs.

C’est donc la sensibilité que nous développons qui fait battre notre cœur au rythme de la palpitation du monde et qui réalise finalement notre «transfiguration». En effet, la sensibilité change la configuration de notre personne, en la poussant à voir au-delà (trans) de sa «figure» naturelle, habituelle et banale ; au-delà aussi des limites de son individualité rationnelle, forcement aride, froide, rigide, facilement renfermée, repliée sur elle-même, pour l’élever au niveau supérieur de la rencontre émue, sensible et «amoureuse» avec le monde qui est au-delà de sa petite personne, afin de se déployer ainsi au soleil de l’amour (de Dieu et des frères humains) où elle pourra s’assouplir, s’attendrir, s’affiner, s’embraser et devenir un être de lumière.

La sensibilité qui «transfigure» consiste donc à voir les gens pour ce qu'ils sont vraiment au-delà de leur «figure» ou de leurs apparences (trans-figura-tion); à deviner ce qu’ils sont vraiment dans les profondeurs secrètes de leur cœur; à entrevoir leur véritable identité et la vérité profonde de leur être; à découvrir leur vrai visage, leur figure créée par Dieu, celle qui n'a pas été déformée par les peurs, les souffrances, la culpabilité, les erreurs, les anxiétés et les angoisses de la vie.

L'évangéliste Jean dit que "Dieu est amour". Il nous dit aussi que seulement ceux qui savent s'ouvrir et vivre dans l'amour peuvent comprendre Dieu et vivre de Dieu. Il s’en suit que ceux qui ne savent pas ouvrir leur cœur à l’amour, pourront peut-être avoir des idées sur Dieu, mais ils ne pourront jamais le sentir et l’expérimenter comme une Réalité capable de changer leur vie.
Jésus était un homme qui savait aimer; il était animé par un grand amour; il était un homme passionné de Dieu et immensément sensible aux situations humaines de ses frères ; il possédait un feu qui embrasait tous ceux qui l’approchaient.

L’homme ne saisit pas Dieu, n’entre pas en contact avec Dieu avec sa tête, mais seulement avec son cœur. Tous ceux qui ne peuvent pas se permettre des sentiments ; qui sont incapables de s’émouvoir, de s’attendrir, de s’émerveiller, de s’extasier, de désirer, de rêver, de pleurer, de compatir… ne pourront jamais être en syntonie avec l’esprit et la musique qui viennent de Dieu. Ils ne pourront jamais avoir les antennes aptes à capter et à ressentir les murmures de sa présence. Ils ne seront jamais de véritables amants.

Nous devons donc permettre aux sentiments, aux émotions, aux désirs, aux rêves, aux regrets, aux pleurs… d’entrer en nous  Il faut laisser la vie nous envahir. Il faut laisser vivre la vie en nous. Il faut permettre qu'elle naisse, qu'elle bouge (e-motion), qu’elle nous bouleverse, qu’elle nous emporte, qu’elle nous transforme. Sinon, immergés dans l'océan, nous chercherons toujours de l'eau.

 Et si cela ne nous arrive pas, il vaut mieux que nous nous fassions soigner. Il vaut mieux que nous nous demandions si notre cœur vit encore en nous ou s'il n’est pas déjà mort. Parce que la capacité de s’émouvoir, de frémir, de s’attendrir, de ressentir … dit combien nous sommes vivants.

S'il vous arrive de pleurer de joie, de vous sentir si heureux que vous avez l’impression que rien ne vous manque ; s’il vous arrive de vous sentir enflammés comme le soleil ou profonds comme la mer ; de vous sentir si comblés, si riches, que vous avez l’impression d’être déjà au ciel, bercés par l’immensité du Tout, au point que vous avez envie d’appeler (comme Françoise d’Assisi) les étoiles «mes sœurs» et les planètes «mes frères», les animaux «mes amis», une fleur ou un arbre «ma beauté» … eh bien, sachez que vous vous vivez votre «transfiguration».

Le monde dira que vous être devenus fous et continuera d'être malheureux. Mais vous, s’il vous plait, continuez d’être fous! Peut-être vous sentirez-vous un peu différents des autres, mais vous serez tellement, tellement plus heureux!

MB

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