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vendredi 2 janvier 2015

LA NUIT DE NOËL, LES BERGERS ET L’ANGE DE DIEU


(Luc 2, 8-14)

Vous aurez sans doute remarqué que dans cet extrait de l’évangile de Luc l’auteur expédie en vitesse le récit de la naissance du premier-né de Marie en trois lignes et que, par contre, tout son intérêt et toute son attention semblent être concentrés et s’arrêter sur le récit des berger et des anges. Cela signifie donc que c’est ici, dans ce récit des bergers et de l’Ange, que nous devons surtout chercher la bonne nouvelle de Noël.

Dans la Palestine du temps de Jésus les bergers n’étaient pas des innocents pastoureaux jouant du pipeau ou de la cornemuse à l‘ombre d’un chêne, parmi de tendres agneaux broutant dans un paysage bucolique. Ces gardiens de troupeaux étaient des hommes rudes, souvent des aventuriers et des bandits qui fuyaient la justice, en se refugiant sur les montagnes et que les riches propriétaires de troupeaux récupéraient et embauchaient pour la dure besogne de garder et de défendre leurs animaux. Ce genre d’individus faisaient l’affaire des grands propriétaires de troupeaux qui avaient besoin des ces gens habitués à vivre dans la nature, à dormir à la belle étoile, toujours en mouvement, toujours en état d’alerte, toujours prêts à se battre pour défendre leur vie et donc capables de se battre aussi pour protéger les moutons contre les attaques des prédateurs, des voleurs et les razzias d’autres clans qui rivalisaient entre eux pour le choix des meilleurs pâturages. Ces bergers sont donc des durs à cuir, qui n’ont pas d’autre choix que d’accepter ce genre de travail pour se mettre quelque chose sous la dent, pour s’habiller tant bien que mal, pour survivre.

Malgré la distance du temps, et toute proportion gardée, la vie de ces bergers de l’évangile n’est pas tellement différente de la vie que nous menons en ce XXIe siècle. Ces bergers sont l’image et le symbole du monde et de la société dans lesquels nous vivons où tout ce qui compte c‘est la sauvegarde et la garde de nos biens, de notre argent, de notre capital, de notre pouvoir. Où tout ce qui compte c’est de veiller au troupeau de nos comptes bancaires, de nos intérêts; de défendre notre statut social, nos postes de travail, notre business, nos possibilités d’avancement, notre pouvoir, notre zone d’influence …et cela par tous les moyens à notre disposition, sans exclusion de coups, en nous battant, en luttant et en démolissant, s’il le faut, nos adversaires, nos concurrents pour s’accaparer la plus grande partie du marché, les meilleures opportunités, les meilleurs places, les meilleurs rétributions les meilleures dividendes, etc.

Ces berges représentent notre vie passée à courir, à nous déplacer, à nous dépêcher pour être actifs, productifs, performants, rentables et cela bon temps mauvais temps, en été comme en hiver, le jour comme la nuit, toujours en état d’alerte, d’anxiété, d’agitation, sous pression, sans arrêt, sans repos, sans répit, sans repas, ou, comme les berges dans les champs, avec des repas consommés sur le pouce, cuisinés à la hâte, sans façon, sans convivialité, sans ambiance, sans amour …

Il n’y a aucun éclat et aucun panache dans un tel rythme de vie. Et pourtant nous nous contentons d’une vie qui coule presque toujours en surface, et presque jamais en profondeur. Nous nous contentons d’une vie plate, superficielle, fanée, fade, grisâtre, sans couleur, sans chaleur, sans lumière, exactement comme la vie de ces bergers de l’évangile dont il est dit qu’ils étaient là dans les champs à garder leurs troupeaux et que c’était la nuit. Peut-on vivre longtemps de cette façon? Est-ce cela une vie? Vivre pour survivre! Vivre et se battre pour garder et posséder des choses que nous devons de toute façon un jour abandonner!

L’évangile des bergers de Noël arrive alors comme une réponse à notre fatigue, à notre mal de vivre et à notre désespérance. Ces bergers sont finalement des pauvres dans le sens le plus total du terme : pauvre de réputation, pauvres de considération, pauvres de sécurité, pauvres de moyens, pauvres d’amour, pauvres de tout. Et pourtant, voyez-vous, et c’est en cela que consiste tout le mystère et l’annonce extraordinaire de Noël, ce sont ces gens-là et non pas les grands, les importants, les puissants de ce monde, qui reçoivent la visite de l’Ange et a qui est donné de faire la rencontre de l’Ange de Dieu.

Cet évangile vient nous apporter la bonne nouvelle d’une issue possible à notre situation de détresse existentielle et à susciter de l’espoir. Il nous annonce qu’un jour ou l’autre, à tous est donnée la grâce de sortir de la nuit et de marcher dans la lumière et dans l’élan d’une nouvelle forme de vie. L’évangile nous raconte que quelque chose d’extraordinaire est venu bouleverser et changer l’obscure et triste vie des bergers. Le conte évangélique dit que l’«Ange de Dieu» s’approcha d’eux et que sa lumière enveloppa ces existences plongées dans l’obscurité de la nuit et les poussa sur des chemins qu’ils n’auraient jamais pensé pouvoir parcourir.

Dans la littérature biblique l’ange est habituellement une figure symbolique. Il est la personnification figurée de la présence aimante de Dieu qui se déploie en faveur des humains. Dans la Bible, chaque fois que quelque chose de bien et d’important s’accomplit en faveur des humains, là apparaît l’ange de Dieu. L’ange est alors le symbole de la force de l’Amour de Dieu et de ses virtualités salvifiques dans notre monde.

Cet évangile de Noël, en nous présentant le conte des bergers qui voient et écoutent la voix de l’ange, vient alors nous annoncer quelque chose d’extraordinaire. Il nous dit que nos vies sombres, monotones, surmenées, souvent banales à causes du cumule de futilités avec lesquelles nous les surchargeons, eh bien, ces vies peuvent devenir pétillantes de sens, de joie et de lumière; peuvent être réhabilitées, rehaussées, revalorisée et donc complètement renouvelées, si nous avons la grâce et le courage de nous laisser approcher par l’Ange de Dieu et de laisser sa voix retentir dans les profondeurs de notre esprit et de notre cœur.

Mais qui est l’Ange de Dieu ? Qui est, pour nous les chrétiens, celui que nous considérons comme la manifestation et la révélation la plus accomplie de la présence et de l’amour de Dieu dans notre monde? Qui est celui qui est si plein de Dieu qu’il ne fait qu’un seul être et un seul esprit avec lui? Qui est celui en qui Dieu a déposé toute sa bienveillance et tout son amour? Vous avez compris qu’il s’agit de Jésus de Nazareth. Pour nous, les chrétiens, Jésus est le véritable «Ange de Dieu», par qui Dieu intervient dans notre monde pour le féconder de son esprit d’amour, le guérir de ses peurs et de ses blessures, le faire naître à la confiance, afin de l’améliorer, de le transformer en quelque chose de plus beau et de plus humain.

Cependant, rencontrer l’Ange de Dieu, si cela peut être une expérience fascinante, c’est aussi un événement bouleversant et effrayant. Comme l’expérience des bergers de l’évangile qui ont peur et qui ont besoin d’être rassurés et réconfortés avant de se risquer sur de nouveaux chemins. Un grand nombre de gens ne sont pas intéressés à rencontrer l’Ange et à écouter son message. Ils ont peur d’être déstabilisés par les paroles qu’il leur adresse. Ils préfèrent rester crampés à leurs troupeaux. Ils aiment leur vie sombre, insignifiante et insipide. Ils se sont habitués au froid et à la nuit. Ils sentent que c’est trop risqué de quitter les anciennes sécurités et de partir à la recherche de son vrai moi, de Dieu et des autres. Il y a des gens à qui il n’est pas donné de découvrir la source de leur véritable bonheur et de leur authentique accomplissement; source tapie dans les profondeurs de leur être, mais devenue inaccessible à cause de l’énorme fatras d’inepties sous lequel ils l’ont ensevelie.

Cet évangile de Noël annonce la bonne nouvelle qu’il existe pour chacun de nous la possibilité de réorienter différemment notre existence; que rien ni personne n’est définitivement renfermé dans l’obscurité de sa nuit; qu’il y a toujours l’espoir d’atteindre la lumière, de trouver son salut et donc de sortir même des situations les plus désespérantes.

Cet espoir que l’évangile de Noël proclame est vraiment le bienvenu. Car jamais nous n'avons eu autant de raisons pour être déçus et pour désespérer de la qualité de notre monde et de notre humanité. Jamais, depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, notre monde n’a été aussi éprouvé, aussi souffrant, aussi mal en point, aussi malade, aussi cruel et inhumain. Lorsqu’on regarde la situation désolante de beaucoup de pays de notre planète (surtout les pays d’Afrique et du Moyen Orient) et l’immense cri de douleur qui s’élève un peut partout à cause des maladies, des épidémies (Ébola), du terrorisme, des guerres, des persécutions, des représailles d’une cruauté qui dépasse l’imagination, quand on regarde l’inconscience et l’indifférence avec lesquelles notre planète, et donc les conditions naturelles qui permettent la vie, sont saccagées et détruites par l’avidité humaine… il y a de quoi désespérer de notre monde et de la qualité de notre humanité.

Nous avons plus que jamais besoin d’entendre la bonne nouvelle de Noël qui nous annonce que l’Ange de Dieu est là parmi nous; que l’amour de Dieu a pris chair dans l’humanité et qu’alors la fraternité, l’harmonie, la communion, le partage, la tolérance, la paix sont possibles; qu’il ne faut pas désespérer; que l’on peut continuer à garder confiance dans la bonté du cœur humain et qu’il n’est jamais trop tard pour changer les attitudes et sauver le monde.


Mais Noël nous dit aussi que chacun de nous, s’il veut devenir l’instrument de l’amour qui sauve, doit être capable, sur l’exemple des bergers de l’évangile, de prendre la route qui mène à l’intérieure de la grotte, c’est-à-dire, à ‘intérieur de nous-mêmes, à l’intérieur de ce sanctuaire secret où il n’y a que candeur, innocence, fraîcheur, simplicité, dépouillement, car il abrite la présence de l’«enfant de Dieu» que nous sommes. C’est là, dans ce sanctuaire caché dans les profondeurs de notre âme, que nous gardons l’authentique image de l’être que nous sommes aux yeux de Dieu. Cet enfant porte en lui la ressemblance de Dieu et la capacité d’aimer à la façon de Dieu. C’est cette enfant que nous devons faire naître, afin qu’apparaisse au grand jour notre condition de fils de Dieu, ainsi que l’immense capacité d’amour dont nous sommes capables et qui nous a été donnée pour que nous puissions construire un monde plus beau.


BM

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