…CHASSER
LES VENDEURS DU TEMPLE…
(Jean, 2,13-22)
Le temple où Dieu
habite, et dans lequel il se manifeste, est l’Univers et la Terre qui nous a générés.
De cette dernière nous avons fait un objet d’exploitation et de marchandage insensé.
Ce Jésus, qui perd le contrôle, qui se met en furie et qui ne trouve de meilleure
solution que de chasser à coup de pied et de fouet ces marchands avides qui profitent
du temple pour y faire de l’argent, me plaît énormément. Il me plaît, car je
trouve en lui l‘exemple parfait de l’attitude que chacun de nous devrait avoir
aujourd’hui envers les institutions, les superpuissances, les super-nationales
du capitalisme libéral qui ne cherchent que le profit de leurs actionnaires, au
prix de la dévastation des écosystèmes, de la prédation indiscriminée des
ressources naturelles de la terre et d’un accroissement toujours plus grand du
niveau de pauvreté dans le monde.
La crise
actuelle de la Planète
n’est pas seulement une crise de la rareté croissante des ressources naturelles
et des services. C’est fondamentalement la crise d’un type de civilisation qui
a situé l’être humain comme « seigneur et maître » de la nature.
Celle-ci (la nature) est pour lui dépourvue d’esprit et de but : il peut
donc faire ce qu’il veut avec elle.
La nouvelle cosmologie
a découvert depuis longtemps que l’être humain n’est pas le centre du cosmos,
comme l’ont proclamé presque toutes les religions et leurs divines «révélations».
Le monde n’est pas anthropocentrique. Nous ne sommes pas le centre de la
réalité. L’univers n’a pas été «créé pour nous ». La cosmologie moderne nous
dit que, à cause de la nature de nos origines, nous sommes une réalité ni
supérieure ni totalement différente des autres êtres vivants qui nous
entourent. Nous n’avons pas une autre origine et nous ne venons pas d’un monde supérieur.
Nous ne sommes qu’une branche supplémentaire de l’époustouflante diversité de
l’arbre de la vie. Nous sommes une branche de primates à l’intérieur de
laquelle, grâce à un saut qualitatif de la vie, il y a eu une mutation de l’axe
évolutif qui, de génétique et physique qu’il était, est devenu culturel et
spirituel.
Il est donc
faux d’affirmer que nous avons été créés à part et «à l’image et à la ressemblance
de Dieu », alors que les autres créatures vivantes ne peuvent pas aspirer à la
dignité d’être des «enfants de Dieu». Nous n’avons même pas été créés. Nous
sommes une espèce qui vient d’autres espèces qui, à leur tour, dérivent
d’autres espèces plus anciennes reliées aux premiers organismes vivants (les
bactéries) apparus sur terre il y trois milliards d’années. La nouvelle
cosmologie pense que l’ensemble des êtres vivants de la planète participent de
la même Vie, forment une unité de Vie et une seule réalité biotique énormément
diversifiée et complexifiée. L’espèce humaine est la forme de vie la plus
récente et qui a le plus évoluée et progressée; mais nous ne sommes qu’une
forme de vie parmi une infinité d’autres.
Nous devons
reconnaître que le christianisme a contribué à légitimer et à renforcer cette
compréhension. La Genèse
dit clairement: «Emplissez la terre et soumettez-la et dominez toute chose
vivante qui se meut sur elle» (1,28). Il est affirmé aussi que l’homme a été
fait «à l’image et à la ressemblance de Dieu» (Gn. 1,26). Le sens biblique de
cette expression, c’est que l’être humain est le lieutenant de Dieu, et comme
Dieu est le maître de l’univers, l’homme est le maître de la terre. Il a une
dignité qui n’appartient qu’à lui: être au-dessus des autres êtres. De là vient
l’anthropocentrisme, qui est l’une des causes de la crise écologique. Le monothéisme
rigoureux des religions du Livre a supprimé le caractère sacré de la nature et
de toute chose, pour l’attribuer uniquement à Dieu. Parce qu’il ne possède rien
de sacré, le monde n’a pas à être respecté: on peut le profaner, on peut le
dégrader; on peut le polluer, on peut le saccager; pour s’en servir, on peut le
détruire. Au n om du «progrès»!
Cette vision
glorieuse et triomphale de la place de l‘homme dans la création a commencé à
s’effondrer au XXe siècle
avec les deux guerres mondiales et les guerres coloniales qui ont fait plus 200
millions de victimes. Quand a eu lieu l’acte terroriste le plus important de
l’histoire, les bombes atomiques larguées sur le Japon par l’armée des
États-Unis d’Amérique, qui tuèrent des milliers de personnes et détruisirent la
nature, l’humanité a reçu un choc dont elle ne s’est pas remise à ce jour. Avec
les armes atomiques, biologiques et chimiques, construites plus tard, nous
avons compris que nous n’avons pas besoin de Dieu pour réaliser l’Apocalypse,
mais que l’homme, avec son avidité et son inconscience, est le plus grand
danger pour l’humanité et la planète. Nous commençons à nous rendre compte que
l’homme (capitaliste) est une plaie pour notre Planète, un cancer létal; et que
si la Terre
aujourd’hui est très malade, c’est à cause de lui.
Sur la Terre nous ne sommes pas
Dieu et vouloir l’être nous mène à la folie et la destruction de notre habitat
et donc à l’anéantissement certain de notre espèce. Nous devons nous accepter
comme de simples créatures en communauté de vie avec toutes les autres. Nous
avons la même origine commune: nous sommes tous nés de la Terre et non d’une substance
divine. Nous venons de la terre et non pas du ciel. Nous ne sommes pas la
couronne de la création, mais un lien dans le courant de la vie, avec une
différence, celle d’être conscients et chargés de la mission de «sauver et
garder le jardin d’Eden» (Gn. 2,15), c’est à dire de maintenir les conditions
de pérennité de l’ensemble des écosystèmes qui composent la Terre. Aujourd ’hui
encore, grand nombre de chrétiens marqués et contaminés par un long
enseignement religieux sur la primauté, la supériorité et la «seigneurie» de
l’homme sur la création, réagissent avec surprise et indignation lorsqu’on
critique ce faux anthropocentrisme
Si nous
sommes partis de la Bible
pour légitimer la domination de la
Terre , nous devons revenir à elle pour apprendre à la
respecter et à en prendre soin. La
Terre a tout engendré. Dieu dit: «Que la terre produise des
êtres vivants selon leur espèce» (Gn. 1,24). Par conséquent, elle n’est pas
inerte, elle est génitrice, elle est mère. L’alliance de Dieu n’est pas
seulement avec les humains. Après le tsunami du déluge, Dieu refait alliance
«avec notre descendance et tous les vivants» (Gn. 9,10). Sans eux, nous sommes
une famille rétrécie.
L’histoire
montre que l’arrogance «d’être Dieu», sans jamais pouvoir l’être, ne nous amène
que des malheurs. Mieux vaut nous contenter d’être des simples créatures qui
ont la mission de prendre soin et de respecter la Terre , notre mère.
La
terre et la vie qu’elle a engendrée auront un avenir plus prometteur seulement si
nous serons capables, comme Jésus, de nous lever, tous, autant que nous sommes,
le fouet à la main et l’indignation au visage, pour chasser de notre «temple»
la terre ces «marchands» avides et sans scrupules qui veulent le transformer en
un «repère de brigands et de voleurs»t (Mt.21,13).
BM
(Réflexion inspirée de certains textes de
L. Boff et J.M. Vigil)
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