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mercredi 5 novembre 2014

«C’EST GRAND LA MORT, C’EST PLEIN DE VIE DEDANS» (Félix Leclerc)



(Réflexions à l’occasion de la journée de Tous les Défunts)

L’Église catholique prétend être capable d’informer ses fidèles sur ce qui se passe après la mort. Sa doctrine à ce propos ne réussit à être cependant qu’un amalgame d’affirmations farfelues et fantaisistes, puisées, en grand partie, dans la mythologie grecque ancienne, dans les croyances religieuses juives du temps de Jésus et dans les énoncés de la philosophie hellénistique (stoïcisme et néoplatonisme) des trois premiers siècles de notre ère.

Si pendant des siècles l’enseignement de l’Église sur le sort de ceux qui sont décédés n’a jamais suscité ni de discussions ni d’oppositions notables parmi les fidèles, aujourd’hui le changement culturel causé par l’évolution des mentalités, une scolarisation généralisée, le développent et l’accroissement des connaissances, le progrès des sciences, un esprit plus éclairé et plus critique, ont fait en sorte que les anciens concepts et images par lesquels la doctrine catholique cherchait à illustrer et à expliquer l’après-mort, sont devenus non seulement incompréhensibles, mais aussi totalement caduques et irrecevables. Notre société Occidentale a définitivement rompu avec la vision mythique de la réalité qui a été, au moins jusqu’au XVIIIe siècle, à la base de la majorité des dogmes et des croyances au sein de l’Église catholique. Les gens de la modernité ont abandonné depuis longtemps la cosmologie ancienne des deux mondes ou réalités superposées: un monde habité par Dieu et un monde habité par les humains; ce dernier dépendant en tout du monde de Dieu et herchant à l’apprivoiser et à s’en approprier. Les gens aujourd’hui sont influencés par des schémas cognitifs qui se trouvent à des années lumières des préoccupations et des disquisitions transcendantales des philosophies et des courants religieux des trois premiers siècles qui ont marqué la formation des doctrines et des dogmes du christianisme. Ils ne croient plus à une âme immortelle qui, au moment de la mort se libère du corps dans lequel elle avait été emprisonnée, pour retourner à la Source divine qui l’avait directement créée. Pour les modernes, la fonction de l’âme à été remplacée par l’activité du cerveau. C’est le cerveau qui est, pour ainsi dire, l’âme de la personne. Les gens de notre temps savent que notre identité personnelle, ainsi que notre conscience, sont essentiellement dépendantes des processus biochimiques à l’œuvre à l’intérieur de notre cortex cérébral; et que la mort, mettant fin à ces processus, détruit définitivement notre identité personnelle et rend donc à tout jamais impossible toute vie consciente. Pour les gens de notre temps une survie individuelle après la mort physique, ainsi qu’un paradis, un purgatoire, un enfer perçus comme «lieux» ou situations existentielles où notre âme aboutirait, où l’on garderait notre singularité et où on ressentirait d’une manière consciente non seulement amour, joie, bonheur, paix, mais aussi douleur et haine, ne peuvent être que des constructions de notre imagination créées par notre besoin de sécurité et de protection; ou une projection de notre désir de vivre pour toujours dans un état de bonheur qui nous gratifierait entièrement.

Certes, pour les chrétiens modernes le travail, d’élimination, de décantation, de transformation et de mise à jour des leurs croyances religieuses n’est pas une tâche facile. Ce travail ne va pas sans traumatismes et bouleversements intérieurs. Ces chrétiens sont en effet obligés d’abandonner une vision de l’au-delà qui était familière, profondément ancrée dans leur inconscient collectif et qui, somme toute, était assez claire, rassurante et satisfaisante: «Dieu là haut, dans son paradis en dehors de notre monde, a créé notre âme immortelle. À notre mort, l’âme se présente devant Dieu qui nous récompense ou nous punit après un examen minutieux de nos actions. A la deuxième venue de son Fils Jésus-Christ sur les nuées du ciel, lorsque les anges sonneront les trompettes du jugement dernier, Dieu ressuscitera tout le monde; il unira les âmes avec leur corps et il y aura un monde nouveau et une terre nouvelle où les justes seront heureux au paradis avec Dieu et les méchants brûleront pour toujours en enfers avec les démons». C’est clair, c’est net, c’est précis et c’est juste…, mais c’est absolument indigeste et irrecevable. Personne aujourd’hui n’est capable d’ingérer et de prendre au sérieux de tels propos. Et cela parce que la vision du monde et l’idée de Dieu que supposent ces anciennes croyances sont incompatibles avec la nouvelle perception du monde qui fait désormais partie du bagage culturel des gens de notre temps.

Les progrès extraordinaires accomplis par les sciences physiques et par les découvertes astronomiques de ces derniers cinquante ans ont complètement transformé notre perception de la réalité et donc aussi notre idée de Dieu. L’Univers est perçu comme un Tout qui surgit d’un Vide immensément énergétique qui se développe dans un admirable réseau d’attractions, d’interrelations, de connections, d’échanges entre toutes ses parties et selon des dynamiques internes inspirées par une mystérieuse et admirable logique qui apparait comme extraordinairement «aimable». Cette Logique cherche à faire évoluer l’Univers vers une complexité toujours plus grande et à se manifester comme énergie créatrice d’unité, d’harmonie et de beauté selon des harmoniques qui semblent posséder les caractéristiques et les résonances de l’amour. Cette «Logique amoureuse», cette «Source et Fondement Ultime»» de tout être, ce «Mystère et Miracle Originel»,  cette «Énergie bénévole»…  sont autant d’appellatifs par lesquels désormais les gens de la modernité cherchent à nommer Dieu.

 Et ce Dieu n’est plus perçu comme Entité en dehors de ce monde, comme l’affirmait le mythe ancien, mais comme l’intériorité profonde et abyssale de tout ce qui existe. Il est «le dedans» de la réalité. Il est le cœur, le souffle, le dynamisme, l’énergie, l’inspiration, l’esprit qui font en sorte que l’Univers, expression de sa présence, soit un «cosmos» et non un «chaos»; et cela grâce au déploiement de virtualités spirituelles et amoureuses qui le pénètrent de partout, l’allument, le structurent, l’organisent, l’harmonisent et  le rendent fécond de beauté et de vie.

Dans cet Univers, jailli de la Source Originelle de l’amour, l’être humain apparaît comme un accomplissement évolutif d’une importance exceptionnelle. C’est grâce à la réussite de cet exploit évolutif, que l’Énergie Originelle a su se manifester et s’incarner dans le monde comme «amour personnel», afin de pouvoir enfin aimer d’une façon consciente et intelligente. L’être humain peut alors être considéré come une étincelle de la façon dont Dieu se manifeste et aime dans le monde. On peut aussi dire que dans le cosmos, le but de la présence de l’humanité et sa fonction primordiale consistent à incarner et à diffuser, d’une façon consciente l’Amour dont la Source Originelle l’a rendu capable. L’être humain est donc là pour aimer. Il est pour ainsi dire le cœur de Dieu sur terre. Il est, dans l’univers, l’instrument le plus sophistiqué de l’amour de Dieu. C’est par l’humain, capable d’amour conscient, gratuit et désintéressé, que Dieu améliore, transforme et fait évoluer sa création vers des plus hauts accomplissements.

De cette vision de la réalité et de la finalité de l’homme, on peut tirer plusieurs conséquences. En voici quelques unes:
 Dieu appartient à la définition de l’être humain et celui-ci doit se regarder à partir de Dieu.
Si l’homme faillit à la tâche d’aimer, il renie la vérité profonde de son être et il perd la raison de sa présence dans le monde.
L’amour en nous est l’empreinte de la présence de Dieu dans les profondeurs de notre personne.
Lorsque nous aimons, nous devenons des êtres divins, car c’est Dieu qui aime à travers nous afin de parfaire sa création.
Le seul véritable bonheur que nous pouvons avoir en tant qu’humains est de permettre que tout notre être biologique soit confisqué et accaparé par l’amour.
Si nos sommes accaparés par l’amour, nous sommes accaparés par Dieu et nous vivons de Dieu et en Dieu. Nous participons de sa nature et donc de son éternité.
Si nous permettons à Dieu d’aimer à travers nous, nous seront introduits, dès maintenant, dans une forme humaine d’expérience de Dieu qui se manifestera dans le vécu de notre existence comme sensation de joie, d’exaltation, de paix, de confiance, d’abandon, d’épanouissement et de plénitude.
Sensations qui sont déjà annonce et prélude d’un bonheur réel et donc possible qui attend probablement ceux et celles qui quittent ce monde le cœur rempli d’amour.

Cette vision de choses peut éclairer d’une nouvelle lumière le mystère de notre mort. Si nous vivons dans l’amour, nous vivons en Dieu; et plus nous faisons croître notre capacité d’aimer, plus augmentera aussi notre union avec le Dieu-Amour et donc notre immersion dans son être et dans son éternité. Et cela malgré notre mort biologique. Rien de ce qui nous arrive ne peut nous séparer de Dieu ou empêcher la croissance de l’amour en nous. Même pas la mort. Si nous mourons dans l’amour, nous mourons en Dieu et en Dieu nous resterons. Car rien ni personne ne peut tomber en dehors du Tout de Dieu.
Certes, nous n’avons été qu’une toute petite goutte de pluie surgie par évaporation, de l’océan immense de l’amour de Dieu. Mais j’aime croire que notre mort sera comme le retour de la goutte dans l’océan que l’a généré et avec lequel elle fusionnera dans un abandon total et avec la satisfaction de se retrouver enfin dans son élément. Elle perdra peut-être son identité, mais elle fera désormais partie du Grand Océan.

C’est la seule chose que nous puissions affirmer sur l’après de notre mort. Tous les discours des religions ne sont que des fantaisies et spéculations sans fondement.



BM

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