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lundi 4 novembre 2013

LE VOLEUR QUI A REMBOURSÉ


( Luc 19, 1-10)

Luc est l’évangéliste de l’amour, du pardon et de la miséricorde de Dieu toujours assurés à ceux qui ont fait le mal. L'histoire de Zachée veut en être une illustration.

Le nom  Zachée signifie "pur, juste". Tout un appellatif pour cet homme qui est une véritable fripouille de gros calibre! Il est en effet le chef des collecteurs d’impôt au service de l’occupant romain. Les Romains ne fixaient pas l’impôt individuel, mais seulement le montant global qu’ils voulaient encaisser dans une région. Ils ne se préoccupaient pas des moyens utilisés pour collecter l’argent. On devine aisément les conséquences: les collecteurs, qui étaient généralement des gens avides et sans scrupules, s’en mettaient plein les poches, sans hésiter à recourir aux menaces et à l’extorsion. Zachée reconnaît d’ailleurs implicitement qu’il prenait quatre fois plus que le taux normal. C’est pour toutes ces raisons que ses concitoyens juifs le considéraient comme un traître, un renégat vendu aux romains et un voleur. De par son métier, qui le mettait en contact avec les romains et de par sa pratique frauduleuse, Zachée était donc loin d’être un pur et un juste. Il était considéré un pécheur public que tout le monde devait fuire et éviter. Zachée, qui avec son argent pouvait tout avoir, en réalité manquait de tout ce qui est vraiment important dans la vie: l’estime, la considération, la réputation, l’amitié, l’amour….

Zachée habitait Jéricho, une petite ville enfouie au creux d’une vallée que Jésus s’apprêtait à traverser dans son voyage vers Jérusalem. Zachée, dit l’évangéliste Luc, "cherchait à voir Jésus". Ce n’était pas seulement de la curiosité, comme on cherche à apercevoir une vedette ou à lui demander un autographe. C’était plus que cela. Zachée voulait savoir « qui était Jésus ». Il voulait se rendre compte «de visu»  qu’est-ce que cet homme pouvait bien cacher dans son ventre pour dégager une telle grâce, une telle attirance, pour exercer une telle fascination, un tel ascendant sur les gens, pour faire de tels discours et pour enseigner une telle doctrine… ce Jésus  qui avait  tout l’air d’un vagabond et d’un clochard !

Zachée nourrissait, somme toute, une secrète et immense admiration pour cet homme extraordinaire et, peut être aussi, un grand désir, une nostalgie profonde de lui ressembler, d’une certaine façon. Et pour voir et rencontrer Jésus, il était prêt à tout, même au ridicule, comme se percher comme un gamin en haut d’un sycomore. Et c’est là, qu’en passant, Jésus le déniche: « Zachée, descends vite, parce qu'aujourd’hui je veux m’arrêter chez toi !..»

N’est-il pas étonnant que Jésus s‘invite dans la maison d’un homme que tout le monde fuyait? N’y a-t-il pas un message pour nous dans l’attitude de Jésus qui s’approche d’une personne de laquelle tout le monde s’éloignait? L’évangile ne veut-t-il pas nous montrer par là l’existence d’une autre logique, différente de la logique des hommes, parce qu’elle est la logique de Dieu?

Cette attitude de Jésus envers Zachée  nous touche au plus profond, parce qu’elle nous concerne. Car dans notre société il ne manque pas de gens, qui regardent d’abord et uniquement le délit, qui confondent la personne et l’acte commis. On entend souvent dire: "Un tel, c’est un voleur, une fripouille, un corrompu, une personne sans scrupules, un violent, un violeur … etc. Comme dans l’histoire de Zachée: "voyant cela, tous râlaient: Il est allé loger chez un pécheur!". "Voyant cela": mais  ce n’est évidemment pas le même regard que celui de Jésus. Jésus n’accepte pas d’enfermer l’homme dans ses actions passées, de l’établir dans une catégorie définitive, de le marquer pour toujours du sceau de la culpabilité. En allant loger chez Zachée, Jésus dit très fort, non pas en paroles, mais en actes: tout homme vaut plus que la somme de ses actes, quels que soient ces actes, tout homme est capable de changer; tout  homme mérite une deuxième chance…

Zachée, donc, reçoit Jésus avec joie, nous dit Luc, et les choses auraient pu en rester là. Cette rencontre inespérée avec Jésus aurait pu rester une simple rencontre, qui serait devenue avec le temps un bon souvenir. Zachée était libre de recevoir Jésus très poliment comme un hôte de marque, sans s'engager lui-même en profondeur, sans que cela change quoi que ce soit à sa vie. Mais il était libre aussi d'en faire tout autre chose; de saisir la proposition de Jésus pour en faire l'aujourd'hui du salut pour lui. De fait, Zachée transformera la rencontre avec Jésus en un événement d’amour qui donnera une toute autre orientation à son existence: « Zachée, s'avançant, dit au Seigneur : voilà, Seigneur, je fais don aux pauvres de la moitié de mes biens, et si j'ai fait du tort à quelqu'un, je vais lui rendre quatre fois plus.» Alors Jésus annonce: « Aujourd'hui le salut est arrivé dans cette maison, car lui aussi, malgré ses vols, ses  délits, ses erreurs et ses péchés est un fils d'Abraham, c'est-à-dire, un fils de Dieu. »

 Zachée, comme le bon larron, comme le publicain au temple, est « justifié», c’est- à-dire trouve désormais sa juste place devant Dieu, parce qu'il a ouvert les yeux, il a fait la vérité sur lui-même. Il a reconnu que son bonheur lui vient d’ailleurs et non pas des choses et des biens qu’il possède. Au contact de Jésus,  Zachée a compris que si un homme ne vit que pour lui-même, sans s’ouvrir à l’amour de Dieu et des autres, il sera perdu. Car il vivra sa vie sans connaitre le véritable bonheur; renfermé dans la tristesse de l’égoïsme et l’insignifiance d’une existence sans but et sans valeur.

Cet évangile veut nous faire comprendre qu’il faut parfois passer par les remords de la culpabilité pour souhaiter un pardon; qu’il faut parfois avoir touché le fond obscur de la transgression et de la faute et peut-être aussi d’une certaine déchéance humaine, pour que naisse en nous l’envie de voir le ciel; qu’il faut avoir expérimenté les humiliations de la chute, pour que surgisse le désir de nous relever; qu’il faut, peut-être, vivre la sensation d’être perdus, pour crier au secours et désirer qu’une main nous soit tendue pour nous sauver; qu’il faut souvent avoir été dégoûté par la laideur du mal, pour que naisse l’attrait de l’innocence et le goût de la beauté; qu’il faut avoir été les esclaves d’innombrables maîtres, pour que surgisse en nous le désir de «voir» notre vrai Seigneur.

 Cet état de culpabilité, de péché, de faute, d’«injustice» dans lequel la vie souvent nous enferme, constitue quelquefois la condition qui permet de découvrir, avec surprise, que le Seigneur nous avait toujours à l’œil; qu’il regardait vers nous depuis longtemps; que même dans la solitude de notre égarement  il ne nous avait jamais abandonné, mais qu’il avait toujours été à nos côtés, en attendant l’occasion de prendre une place à l’intérieur de notre maison .

Cet évangile ne veut pas justifier la faute, la transgression et le péché, mais il veut nous faire comprendre que le pécheur, si détestable soit-il aux yeux des hommes, ne l’est jamais aux yeux de Dieu et que c’est  peut être en sa compagnie que Dieu  préfère se tenir.


BM




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