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mardi 21 août 2012

CHANGER NOTRE REGARD

IL GUERISSAIT LES LEPREUX…


Dans la société juive du temps de Jésus le lépreux est un exclu, un paria, un intouchable. Personne ne peut l’approcher; personne ne peut le toucher. Et cela par Loi! Par une Loi qui vient de Dieu!

Jésus cependant ne fait aucun cas de la Loi. Il  fait exactement tout ce que la Loi de Dieu défend. Il nous apprend ainsi que toute loi perd sa validité et sa légitimité chaque fois qu’elle légalise et encourage l’exclusion, la discrimination ; lorsqu’elle établit des individus ou des classes sociales dans un  état d’inégalité ou d’infériorité.

Ce lépreux  de l’évangile est le symbole ou la personnification de tous les exclus du monde; de tous ceux et celles qui ont  de la difficulté à trouver le chemin de notre considération, de notre estime, de notre attention, de notre sympathie et de notre amour. Que de gens autour de nous sont porteurs de lèpre! Nous les fuyons, nous les évitons,  nous mettons de la distance entre nous et eux ; nous tournons le regard lorsqu’ils croisent notre route….Car ils nous dérangent,  ils nous indisposent, ils nous irritent, ils nous font peur… Nous voyons des lépreux partout autour de nous. Ainsi les Américains sont arrogants et méprisants; les Italiens sont des mafieux,  les Français sont présomptueux; les arabes sont rétrogrades; les musulmans sont des violents et des fanatiques; les Chinois sont des hypocrites; les clochards sont des fainéants; les homosexuels sont des dépravés; les prêtres catholiques des pédérastes; les gens sur le bien-être social sont des profiteurs du système; les politiciens sont des imposteurs et des ambitieux; notre voisin est un drogué sans espoir et sans avenir; les jeunes manquent du sens de la responsabilité, ne pensent qu’à se divertir et restent  des immatures jusqu'à l’âge de 40 ans...

Nous  avons tendance à cataloguer et à  étiqueter les gens au gré des nos préjugés, de nos anxiétés et de nos peurs. Et ainsi bâtissons-nous de l’hostilité, créons-nous de la distance, refroidissons-nous le monde. Pourquoi? Parce que nous sommes intérieurement déchirés par la  peur; parce que nous sommes incapables  de poser sur la réalité qui nous entoure ce regard d’amour que Jésus possédait et qu’il a cherché constamment et par tous les moyens à nous communiquer. Lorsque le Maitre nous parle  de la nécessité de rentrer  dans le « monde, le règne, l’univers  de Dieu » et de nous laisser atteindre et travailler par son Esprit, il veut justement susciter en nous  ce « regard » qui contemple la création en général et  les humains en particulier, non plus comme un monde adverse, hostile, étranger, dangereux, mais comme une réalité bienveillante, amicale et à laquelle  nous sommes intimement connectés, qui nous porte, qui nous génère continuellement, qui est l’expression, pour nous les chrétiens, de la présence et  de l’action aimante de Dieu  dans notre monde.

Pour nous les chrétiens, formés à la parole de Jésus, rien  ni personne ne devrait  nous être étranger ou nous paraître néfaste. Mais ce regard d’émerveillement et d’amour que nous devrions poser sur la réalité et sur tout ce qui nous entoure, n’est malheureusement pas quelque chose qui nous soit naturel, mais plutôt le résultat  d’une conversion  et d’une transformation  intérieure  au contact avec la  Parole de Jésus et qui peut  surgir, advenir en nous seulement lorsque nous nous sommes réconciliés avec Dieu et avec nous-mêmes …. surtout avec nous-mêmes!  Seulement lorsque nous avons réussi à nous pacifier intérieurement, à apprivoiser en nous les conflits qui nous déchirent et nous dispersent, qui sont à l’origine de l’amertume et de la malveillance qui  contaminent  tout ce que nous regardons, nous  réussissons à découvrir l’harmonie qui se cache dans la création et à regarder avec émerveillement  la réalité autour de nous comme la manifestation  sublime d’un Amour qui est la substance de toutes choses. Comment aimer les autres, si nous nous haïssons? Comment pourrions-nous voir l’harmonie du monde et la valeur de chaque personne si nous ne sommes pas capables de percevoir notre beauté et de nous émerveiller devant le miracle continuel de notre existence ?

Mais surtout ce regard d’amour est le fruit d’une confiance acquise au cours d’une longue fréquentation  de Dieu réalisée à travers la prière, la réflexion, la méditation et le silence en compagnie  du Maitre de Nazareth.  C’est pour cela que Jésus était capable de poser sur tous et sur  toute choses ce regard d’amour qui fascinait ceux qui le côtoyaient et qu’il pouvait s’approcher de tous sans préjugés, avec bonté, sympathie, tendresse et amour. Nous le constatons dans ce récit de l’évangile. Qui peut être plus répugnant qu’un lépreux ? Et pourtant le texte évangélique nous dit  que devant lui Jésus ressent immédiatement de la « compassion ». Le verbe grec utilisé ici par l’évangéliste (splanguizomai) signifie plus précisément «être pris aux tripes; en avoir les entrailles bouleversées». Il désigne donc un sentiment tellement  fort qu’il en est tout bouleversé; il indique un «amour viscéral». Et c’est parce que Jésus est affecté de la sorte  par l’autre et par la condition de l’autre, qu’il se sent spontanément, inévitablement poussé, en faisant fi de toutes les lois  et tous les tabous, à s’approcher de lui, à abolir la séparation, («il allonge la main» ), à entrer en contact avec lui («il le touche»), un contacte qui est réel,  corporel, concret, physique  pour que ce malheureux soit définitivement transformé et guéri par cette puissance de passion, de com-passion et d’amour  qui «veut» se communiquer . «Oui, je le veux ! ….Sois guéri ! Sois Heureux…» .

Ce texte  est donc là pour nous faire réfléchir sur la qualité des rapports que nous entretenons avec Dieu, avec la nature, les hommes et nous-mêmes. Il est là pour nous demander, à nous, les chrétiens et les  disciples du Maitre de Nazareth, quelle sorte de regard nous portons sur le monde qui nous entoure : est-ce le regard de l’amour ou de la haine ? Est-ce le regard de la communion ou celui de l’exclusion ? Est-ce le regard de l’accueil ou celui du rejet ? Est-ce le regarde de la bienveillance ou celui de la malveillance? Est-ce le regard de la confiance ou celui de la  peur ? Est-ce le regarde de l’émerveillement  et du respect ou celui du désabusement  et de l’exploitation?

Si nous sommes ici pour écouter l’enseignement du Maitre-Jésus, c’est certainement parce que nous désirons,  nous aussi, acquérir son regard. Ce regard qui nous permet de traverser le bref parcours de notre existence  transportés par la confiance et élevés par la prise de conscience et l’émerveillement d’une beauté et d’un amour qui nous porte de toutes parts.


 MB

(6e dim. ord. B)

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