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vendredi 17 novembre 2017

«Veillez, car vous ne connaissez ni le jour ni l’heure!»

(Mt. 25, 1-13 - 32 dim.ord. A)

            La proximité de la Toussaint et de la mémoire de nos morts risque de nous faire penser que cette sentence finale est une allusion à notre propre mort. Chacun de nous n'en sait, en effet, "ni le jour ni l'heure". Dans un passé pas si lointain, la religion chrétienne était tout entière centrée sur la mort. Avec un arrière-fond de peur: peur de ne pas faire son salut, peur de l'enfer, peur du jugement de Dieu considéré comme un juge sévère. Nous sommes heureusement débarrassés d'une telle image de Dieu, même s'il arrive parfois à tel ou tel de vivre encore dans cette peur pleine de culpabilité et de crainte de Dieu, un Dieu qui veut nous surprendre à l'improviste. Nous le savons : l'Évangile est, au sens propre, une Bonne Nouvelle et non une annonce de malheur, un message de crainte.
           
            Il est vrai que dans les évangiles, Jésus proclame souvent la venue imminente du «Royaume Dieu». Cette expression est cependant utilisée par lui non pas pour nous avertir de notre mort imminente, mais pour indiquer l’instauration d’un monde nouveau et d’une nouvelle société sur terre, régis par les principes et les forces de l’amour et de la fraternité. Pour Jésus de Nazareth la construction de ce monde nouveau que chaque être humain de bonne volonté doit chercher à bâtir et à habiter, a constitué le grand rêve de sa vie, pour la réalisation duquel il est mort.

            Dans les évangiles, Jésus compare souvent ce Royaume à une fête de noces à laquelle tout le monde est invité. Mais pour faire partie de ce monde nouveau, il faut en voir la nécessité. Il faut le désirer. Il faut s’y préparer intérieurement. Il faut être disposé à changer. Il faut donc être attentif et bien éveillé, afin de pouvoir saisir et interpréter les signes de cette nouveauté qui se rend indispensable et nécessaire un peu partout. Il faut être réceptif et éveillé, afin de ne pas rater dans notre vie les appels et les invitations au renouveau et à la conversion que l’Esprit de Dieu, à travers la parole de Jésus, fait continuellement retentir en nous et autour de nous.

            Veillez, signifie alors vivre en état d’alerte et d’attention vis-à-vis des personnes et du monde dans lequel nous vivons. Signifie être conscients de leurs beautés et de leurs laideurs, de leurs accomplissements et de leurs imperfections, de leurs richesses et de leur pauvreté, afin d’être capables autant de nous émerveiller, d’adorer, de rendre grâce, que de nous engager pour aider, réparer, soigner et guérir leurs maux et leurs blessures.

            Veiller, c’est avancer vers l’avenir avec confiance et espoir, sans se laisser envahir par la somnolence de notre apathie, de notre indifférence, de nos attitudes fatalistes qui cultivent le découragement et la résignation, qui poussent à l’abandon, qui désarment nos élans et nous confinent dans l'hébète satisfaction d’une existence plate, médiocre, sans ambitions, sans hauteur, sans souffle et sans but.

            Veiller, c’est croire à la bonté fondamentale du cœur humain et à la sagesse de son esprit. C’est penser que le bien est plus répandu que le mal et que les forces de la fraternité et de l’amour l’emporteront sur celles de l’hostilité et de la haine. C’est finalement croire qu’il vaut toujours la peine de s’engager et de se battre pour améliorer le cœur de l’homme et pour bâtir un monde plus beau.

Dans un monde sous l’emprise de l’égoïsme, de la compétition, de la rivalité et de la violence, veiller c’est se préoccuper de faire plus de place à la gratuité de l’amour dans notre vie, pour que notre cœur puisse être sensible à la souffrance et à la détresse des vivants et aux besoins de nos frères.

Veiller, nous renvoie alors à l’urgence de l’amour. Veiller, devient pour nous aujourd’hui un cri au secours, afin que nous nous dépêchions, nous nous précipitions à aimer. Car la réussite de notre existence et la survie de l’humanité dépendent de l’amour que nous aurons répandu autour de nous au cours de notre voyage à travers l’existence. À la fin de notre parcours nous serons jugés et évalués seulement sur l’amour que nous aurons dans notre cœur et sur celui que nous aurons donné.

Veiller est donc un appel à aimer tout de suite, maintenant, toujours. Nous aimons toujours ou trop peu ou trop tard. Il n’existe pas d’amour inutile, ni d’amour gaspillé. L’amour est toujours source de vie et de bonheur. Il est la seule richesse qui donne poids, sens et valeur à toute chose et à toute personne. Car dans l’amour nous touchons et nous participons au mystère de la présence du divin dans notre monde.

            Veiller, pour nous, les chrétiens, c’est reconnaître avec lucidité et gratitude que nous sommes toujours dans les mains et dans le cœur d’un Dieu qui nos aime et que nous ne devons pas avoir peur de la nuit ; et que nous pouvons donc avancer sans anxiété sur les chemins de notre difficile et pénible existence, même si parfois nous avons l’impression de marcher dans le noir, sans voir clairement où notre marche aboutira.

            Veiller, ce n’est pas mener une vie de héros ou de saints, sans fautes et sans accros; mais c’est vivre une vie qui cherche continuellement à se consumer et à se déployer soutenue par les attitudes de l’ouverture, de l’accueil, de l’attention, du soin, des petits gestes quotidiens du don de soi, de la tendresse et de l’amour, afin que les personnes que nous croisons sur notre route puissent entrevoir que, grâce à Jésus de Nazareth, quelque chose d’extraordinaire et de nouveau est en train de surgir dans notre monde.

BM


Nov. 2017

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