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mercredi 10 décembre 2014

L’INCARNATION DE DIEU, COMMENT INTÉGRER CE DOGME CATHOLIQUE DANS UNE FOI MODERNE ET ADULTE?



Le christianisme est essentiellement fondé sur la foi au dogme de l’Incarnation historique de Dieu dans la personne de Jésus de Nazareth. Le christianisme ne se tient que par ce dogme. Le sort du christianisme dépend donc du sort réservé à ce dogme. Or, l’homme moderne est trop cultivé et trop marqué par la pensée positiviste, rationaliste, séculière et scientifique pour croire encore à la possibilité d’une intervention réelle (ontologique) de la divinité dans l’histoire concrète de l’humanité. Il a depuis longtemps abandonné l’idée d’une divinité personnelle qui, de sa demeure éternelle là-haut dans les cieux et en dehors de notre monde, interviendrait pour conduire ou régler les affaires des hommes. Il a intégré depuis longtemps à son inconscient la loi de l’analogie. Cette loi énonce que ce qui est rationnellement irrecevable dans le présent, l’a toujours été aussi dans le passé. L’homme moderne ne peut donc accepter une intervention divine dans le concret de l’histoire humaine que comme une fable ou un mythe. Il est absolument incapable de lui accorder la consistance ontologique d’un fait  historique. Si donc l’homme moderne refuse de conjuguer au présent l’idée d’un Dieu qui se ferait homme ou d’un homme qui deviendrait un Dieu, l’Institution religieuse perd son temps à vouloir le convaincre que cela a été pourtant possible dans le passé. Jusqu’à quand la croyance en une Incarnation de Dieu réussira-t-elle à survivre à l’esprit critique d’une société instruite, séculière et  scientifique ? Jusqu’à quand la proclamation d’un Dieu-homme ou d’un homme-Dieu pourra-t-elle continuer à être proposée par nos églises chrétiennes, sans que cela ne déclenche le sourire de leurs destinataires? Jusque quand les églises chrétiennes pensent-elles être prises au sérieux lorsqu’elles affirment que Jésus de Nazareth est l’incarnation de Dieu sur terre? Jusqu’à quand  réussiront-elles à maintenir branché ce poumon artificiel qui les fait vivre?

D’aucuns argueront peut être que, si ce poumon a fonctionné pendant deux mille ans, il n’y a aucune raison pour qu’il s’arrête maintenant. Ceux qui pensent ainsi, oublient que la foi au dogme de la divinité de Jésus a toujours eu dans l’histoire de l’Église des bases extrêmement fragiles; qu’il s’est maintenu jusqu’à nos jours que grâce à la vigilance et à la coercition exercés par les autorités ecclésiastiques, qui n’ont jamais hésité à suffoquer par la force, le feu et le sang, tous les soi disant «hérétiques» qui au cours de l’histoire avaient osé le contester. Cette foi religieuse en l’incarnation de Dieu sur terre est davantage le résultat de la politique et de la violence que d’une véritable conviction. Le dogme fut proclamé en 313 au Concile de Nicée (repris et réélaboré ensuite au Concile de Chalcédoine en 451) par une poignée d’évêques orientaux convoqués par l’empereur Constantin qui craignait pour la paix  de son empire et il fut imposé d’autorité à une chrétienté en mal d’unité et d’homogénéité. Même pour les théologiens du quatrième siècle, la divinité de Jésus de Nazareth n’a jamais été une évidence et elle ne s’est imposée à la croyance des fidèles que lentement, douloureusement et tardivement. Au cours des siècles suivants et jusqu’à nos jours, la préservation et la protection du dogme de la divinité de l’homme de Nazareth a été l’objet d’une vigilance presque paranoïaque de la part des autorités ecclésiastiques. Sur ce point l’Église n’a jamais baissé la garde; car, en protégeant par tous les moyens à sa disposition le contenu de ce dogme, elle avait conscience de défendre son propre pouvoir et sa propre existence. Le combat acharné qu'au long des siècles les autorités religieuses catholiques ont  mené contre les philosophies ou les courants de pensée qui ont voulu critiquer ou mettre en doute le dogme de la divinité du Nazaréen, a été, pour l’Église, une véritable lutte de «légitime défense», où tous les moyens étaient «légitimes», même lorsqu’ils allaient à l’encontre des principes évangéliques les plus évidents. Pour cela il n’a pas hésité à recourir à la force, à la peur, à l’intimidation, à la torture, à la peine de mort, à l’infantilisation et à la tutelle intellectuelle des fidèles, au contrôle des consciences, à la suppression de la liberté de pensée, à la «diabolisation» du doute, à l’exaltation des vertus «chrétiennes» de docilité, de soumission et d’obéissance  «aveugle. C’est ainsi que la foi en la divinité de Jésus de Nazareth a pu se maintenir au travers des siècles et parvenir jusqu’à nous.

On peut donc affirmer que dans l’Église la persistance de la foi en la divinité de Jésus de Nazareth est davantage le résultat de la surveillance et de la peur, que de la conviction des fidèles. En conséquence de cela, le dogme de l’Incarnation qui soutient l’Église est aussi paradoxalement celui qui  la défigure, la  handicape et l’affaiblit.
Ces considérations nous fournissent la clef pour comprendre les raisons de la désaffection et du désintérêt grandissant de la société moderne occidentale envers l’Institution chrétienne en général et l’Institution catholique en particulier. Un mouvement religieux fondé sur des affirmations qui s’avèrent fausses et qui a été  maintenu en vie par la coercition et la peur, porte en lui les fractures qui l’amèneront inévitablement à sa propre disparition. La crise qui affecte l’Église en Occident est surtout et avant tout une crise d’authenticité, de vérité et donc de crédibilité.

Faudra-t-il bannir le Christ de l’horizon chrétien pour ne retenir que l’homme de Nazareth? C’est sans doute la question à laquelle se confronteront les chrétiens des générations futures. Une plus grande scolarisation, une meilleure information, un esprit critique plus averti, une connaissance plus complète de l’histoire des religions et des fondements anthropologiques du phénomène religieux, les conduiront inévitablement à interpréter en clef mythique et symbolique l’affirmation de l’Incarnation de Dieu et donc à voir dans l’Homme-Dieu de la foi chrétienne l’expression méditerranéenne d’un archétype ou d’un mythe assez répandu parmi les religions anciennes. Il est clair que la seule façon de donner aujourd’hui une certaine crédibilité au dogme chrétien de l’Incarnation et donc de le rendre acceptable pour les nouvelles générations de croyants, consiste à renoncer à son prétendu contenu ontologique et à son caractère d’événement historique, pour ne le considérer que comme une métaphore ou une expression symbolique de la présence du divin dans les profondeurs de l’Univers et au «centre» de chaque humain. Seulement une interprétation symbolique de l’incarnation de Dieu au cœur de la réalité existante et surtout  au cœur de l’homme est en mesure de garder du sens et de la crédibilité à cette donnée fondamentale de la foi chrétienne.


MB

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