(Mt.22,1-14)
Ce conte de
Jésus parle d’une invitation à un banquet qu’un roi a préparé pour les noces de
son fils. Un banquet de noce, et surtout un banquet de noces royales était dans
l’antiquité la chose la plus fastueuse et la plus extraordinaire à laquelle une
personne pouvait assister. Refuser une invitation à un banquet de noces royales
était la chose la plus insensée que quelqu’un pouvait accomplir. L’évangéliste
veut justement nous faire remarquer que c’est bien cela qui s’est produit
lorsque les premiers invités, qui représentent ici le peuple juif avec ses
responsables civils et religieux, ont décliné l’invitation royale. On entrevoit
en arrière du récit, une note d’ironie et de dérision de la part de
l’évangéliste pour la stupidité de ces gens qui, à cause de leur aveuglement,
se sont exclus d’une telle grâce et d’une telle abondance. Au lieu d’entrer
dans la salle des noces et de profiter de l’extraordinaire nouveauté de l’événement,
ils ont préféré la banale routine de leur négoces mesquines et de leurs
besognes insignifiantes. Et puisque ils ont refusé l’offre que Dieu leur a faite
en Jésus, l’invitation sera désormais adressée à d’autres invités. Mais cette
fois-ci ce ne sera plus une invitation ciblée, adressé à un petit nombre d’élus
ou d’amis triés sur le volet, mais une invitation ouverte à tous sans aucune
distinction de classe, de parti ou d’appartenance, parce que ce grand seigneur
veut à tout prix que la salle du banquet soit remplie. Car une noce ne se
célèbre pas dans une salle vide. On trouve donc ici un rappel à l’universalité
du salut et à l’égalité de tous les êtres humains devant Dieu. Dieu est
désormais le Dieu de tous. C’est la fin des particularismes, des castes, des
classes, des divisions, des différences.
Cette parabole
manifeste aussi, de toute évidence, un bouleversement et un reversement
d’attitudes et de valeurs, car elle cherche à nous dire que, non seulement Dieu
accueille maintenant tout le monde dans sa salle de noce, mais qu’ils emble
même avoir un faible pour les non-conformes les marginaux, les hors-lois, les
délinquants (cf. Luc, 14, 21-23; «vas t’en vite sur les places et les rues de
la ville, et amène ici les pauvres, les estropiés, les aveugles et les
boiteux…»). C’est un coup donné à toute institution, à toute organisation, à
tout mouvement, à toute religion de «purs», basée sur l’élitisme, sur la
prétention de sa propre supériorité, sur la conviction de sa vérité: nous le peuple
élu, nous les blancs, nous les ariens, nous les occidentaux, nous les
américains, nous l’église catholique qui possède «la splendeur de la vérité »
et en dehors de laquelle il n’y a pas de salut pour personne … moi, le chrétien
exemplaire qui va à la messe tous les dimanches, moi, l‘irréprochable, moi, la
personne honnête et rangée, toujours fidèle à ses engagements, qui ne fait du
mal à personne …!
Il y un
deuxième point sur lequel cette parable veut attirer notre attention: le
respect des priorités dans notre vie. Voyez, les premiers invités se dérobent à
l’invitation du roi en prétextant toutes sortes d’excuses. Ils ont tous
apparemment quelque chose de plus important et de plus urgent à faire que de
participer au banquet royal qui est ici le symbole de la plénitude, de la bonne
santé, du bonheur et de l’authentique réussite de l’homme. Le problème et la
faute de ces gens consiste à négliger l’important pour l’urgent; à refuser le
nécessaire pour l’inutile et le contingent; le durable pour l’éphémère, le futur
pour l’immédiat. C’est tout de suite, que je veux mon bien-être matériel. C’est
maintenant que je veux m’enrichir, faire du profit, augmenter le capital de mon
entreprise, entasser de l’argent, devenir millionnaire et puissant … tant pis
si pour cela d’autres ont à souffrir. Tant pis si pour cela je saccage la
planète, je rase les forets, j’aplanis les montagnes, je pollue l’air que je
respire, j’infecte les sols qui me nourrissent, je contamine les lacs et les
rivières; je transforme en poubelles les océans; je détruits l’équilibre des
écosystèmes. Tant pis si je deviens le pire fléau que la terre n’ait jamais
connu; un cancer qui mine sournoisement mais inexorablement la santé de la
planète et avec elle la vie et la survie des espèces vivantes et donc de
l’humanité. Je devrais être le gardien et le custode de la vie sur terre, le
représentant légal qui devrait défendre les droits des touts les êtres vivants
de la Planète ,
sans aucune prétention de supériorité ou volonté d’exploitation… et je me suis
transformé en leur bourreau et leur tortionnaire. C’est là un problème qui nous
guette tous, autant sur le plan humain que sur le plan spirituel et religieux.
Nous laissons de côté l’essentiel pour le secondaire, l’important pour
l’urgent, le salut de tous, pour notre petit succès personnel. Nous fuyons nos
responsabilités, esclaves de la compensation immédiate.
Et sur le plan
spirituel, que de rendez-vous, que d’invitations ratées !!! Notre temps est
presque entièrement passé à soigner et à satisfaire les besoins et les désirs
de notre corps; mais qu’en est-il des besoins et des désirs de notre âme? Notre
âme a-t-elle encore des aspirations et des besoins? Parfois n’a-t-on pas
l’impression que nous avons tué notre âme, que nous vivons sans âme, que nous
agissons sans âme ? Poussés comme nous le sommes à vivre au rythme endiablé et
déshumanisant des besoins immédiats, du rendement, de l’efficacité matérielle,
de la séduction physique, de l’apparence extérieure…, nous perdons notre âme et
nous dévitalisons notre existence de cette sève intérieure qui donne goût,
qualité, souffle, hauteur à notre existence. Nous devenons des fleurs sans
couleurs, des mets sans saveur, des musiciens sans inspiration. Et pourtant
n’est-ce pas la qualité de notre âme qui fait la qualité de notre vie? Que sert à l’homme gagner le monde entier
s’il y perd son âme ? Disait Jésus.
Nous avons
tous ressenti, par moments, les soupirs de notre âme… Ces appels qui surgissent
des profondeur de notre être, ces cris du cœur, comme on dit, qui nous invitent à
regarder plus haut, à nous sensibiliser aux exigences de l’esprit que nous
sommes; qui nous poussent à nous poser des questions sur le sens de notre vie et
sur les but de notre présence en ce monde. Ces invitations de l’âme, ces appels
intérieurs sont importants. C’est l’âme en nous qui veut retrouver sa liberté,
son espace, sa nature, rejoindre la source divine à l’image et à la
ressemblance de laquelle elle a été crée. Mais, bien souvent, nous ne savons
pas la seconder. Nous n’avons plus le temps pour écouter ses appels, ses cris
et ses invitations. Nous avons toujours des choses plus urgentes à faire.
Lecture, réflexion, méditation, prière, silence, écoute, gestes de la foi,
ouverture à Dieu, pratique religieuse, eucharistie du dimanche … Pas de temps
pour cela: j’ai le travail, les enfants, le chien, une vie sociale, mes amis en
lignes, mes programmes à la télé; j’ai du sommeil à rattraper, la pelouse à
tondre, le repas à préparer… je suis tellement occupé. … et mon âme se meurt, mais ce n’est pas grave!
Mes babioles c’est bien plus important ! Encore une fois nous fuyons l’essentiel
pour tomber dans l’insignifiant.
Trouverons-nous
un jour le temps d’entrer dans la salle des noces, dans ce lieu où l’on célèbre
l’amour, afin que notre âme puisse finalement rencontrer l’objet de ses
aspirations et l’espace dont elle a besoin pour s’épanouir et donner ainsi des
ailes à notre existence?
MB
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